Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
14 mars 2013 4 14 /03 /mars /2013 01:51

« Le mal français est-il incurable ? »

 

Alain PEYREFITTE (1925-1999) – Homme politique français et déclinologue

 

 

Le déclin de la France est aujourd’hui une réalité suffisamment assumée pour que des hommes politiques la revendiquent. La France qui tombe, c’est l’argument de vente idéal pour tous les pessimistes et les sceptiques qui tapent sur le gouvernement en place. Sous Nicolas Sarkozy, Martine Aubry dénonçait la paupérisation de notre population avec un misérabilisme qui prête aujourd’hui à sourire vu ce que fait la gauche. Sous François Hollande, Jean-François Copé fustige notre perte d’influence internationale et on pleure que la droite ait fait pire.

 

Les symptômes de la décadence française sont connus. Notre pays accuse sur les pays émergents le retard économique qu’il mérite après avoir si peu loué les qualités du travail et du sacrifice ces dernières décennies. Notre pays recueille une misère sociale prévisible après tant d’années passées à louer son modèle d’intégration déficient et ses comptes publics déficitaires. Notre pays cultive une bile noire légitime faute d’avoir soldé les anciens comptes de son passé. Il vivra jusqu’à la tombe avec Vichy et l’Algérie sur la conscience, tels deux cancers incurables.

 

La France irréelle est une nation qui se replie sur elle-même, sur sa propre névrose. Elle est clairement schizophrène : socialiste et individualiste, libertaire et liberticide, réformatrice et conservatrice, croyante et athée, aveuglée et visionnaire. Elle veut changer et elle ne le fait pas. Elle doit changer et elle ne le peut pas. Toujours à l’heure de son clocher, elle est vieille quand le monde est nouveau. Elle a peur et elle a de quoi : le chômage, la précarité et le déclassement sont ses seuls horizons alors que la mondialisation paralyse ses perspectives de croissance.

 

Les causes du mal français sont en revanche mal élucidées. On comprend mal en effet pourquoi la France plus que les autres penche si aisément pour le fatalisme catastrophiste alors que sa situation n’est pas tellement plus désespérée que celle de ses voisins. Plus qu’ailleurs, le peuple se croit fini et éprouve de la nostalgie pour un âge d’or qu’il vivait à l’époque comme une souffrance. La France se plaint aujourd’hui bien plus qu’hier et bien moins que demain. Elle est éternellement insatisfaite. Par ses insuffisances. Par sa suffisance, sans doute aussi.

 

La pensée du déclin symbolise avant tout un déclin de la pensée. Ce défaitisme reflète une défaite de nos élites devant l’urgence de penser l’avenir. On préfère se comparer à un passé glorieux mais largement fantasmé au lieu d’inventer notre futur collectif. S’apitoyer sur son sort apocalyptique est toujours plus facile que de construire une vision commune. Au pessimisme de la raison il faut souvent substituer l’optimisme de la volonté, à moins que ce ne soit l’inverse. Le déclin de la France, c’est avant tout une crise de l’action qui appelle une action de crise.

 

Constater l’imparfait du présent est en effet souvent le premier pas vers un futur plus-que-parfait. Comme le passé simple n’est pas si simple, la critique de la société est constructive si elle amène à refuser l’immobilisme et à vouloir le changement. L’avenir ne se réalise pas, il se veut. Le futur n’est pas ce qui nous arrive, mais ce qu’on met en œuvre. C’est ce volontarisme qu’incarnait si bien Nicolas Sarkozy même s’il se résumait trop souvent à des moulinets du bras et que François Hollande n’arrive plus à porter. Il est plutôt dans l’attentisme. C’est volontaire.

 

Le président n’aime ni l’action ni l’activisme. Il sait que son pouvoir est plus fragile qu’il n’y parait alors il prend d’infinies précautions avant chacun des pas qu’il fait. C’est sans doute le problème principal de notre régime de la Vème République, celui de ne pas éduquer nos chefs à gouverner sans être esclaves des électeurs qui les ont élus. Au lieu de jouer les sauveurs et de tout faire pour que cela aille mieux, ils gèrent le quotidien à la petite semaine et espèrent que la chute ne sera pas trop dure. Mais l’important ce n’est pas la chute, c’est l’atterrissage.

 

La peur du déclin sera une pensée optimiste si on arrive à lui donner un sens. Si on veut qu’elle nous mène au sursaut. Si on travaille pour qu’elle nous emporte plus loin. L’adaptation aux crises nombreuses qu’a aujourd’hui à affronter la France est une sorte de dépassement de soi. En réchapper serait déjà une victoire tant le destin qui nous attend semble funeste. Ce mal français qui fait du bien, c’est celui qui nous pousse à constamment nous remettre en question et à tout remettre en question. Le doute fait avancer. Même s’il laisse peu de certitudes.

Partager cet article
Repost0

commentaires

À Propos De En Rase Campagne

  • : En rase campagne
  • : La politique est toujours en campagne, CARBONE 12 aussi ! Lancé à 100 jours du 2e tour des élections présidentielles de 2012 pour redonner de la hauteur à un débat qui volait bas, EN RASE CAMPAGNE est un blog qui commente la vie politique française.
  • Contact

L'EMPREINTE CARBONE

Projet de loi de finances : se serrer la ceinture ou baisser son froc devant Bruxelles, telle est la question. 

 

Retrouvez tous les billets "L'empreinte carbone" 1 2 3 4 5 6 7 

AU RAS DES PÂQUERETTES

Poisson d'avril de Ségolène Royal : les autoroutes gratuites le week end. Mais qui peut contrôler ce qui se passe dans son cerveau ? 

 

Retrouvez tous les billets "Au ras des pâquerettes" 1 2 3 4

DU CARBONE DANS LA CERVELLE

Entre deux meetings, Nicolas Sarkozy recommence ses conférences grassement payées à l'étranger. Cela pourrait le desservir. 

 

Retrouvez tous les billets "Du carbone dans la cervelle" 1 2 3 4 

Les Idees De En Rase Campagne