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9 juillet 2012 1 09 /07 /juillet /2012 00:43

« Je crois que la vérité fait toujours scandale »

 

Henri-Georges CLOUZOT (1907-1977) – Cinéaste français et présumé coupable

 

Il s’y attendait et c’est ce qui devait arriver. Nicolas Sarkozy a vu débouler chez lui les juges dans le cadre de l’affaire Bettencourt. Il ne comptait pas partir en courant mais l’envie pourrait lui prendre si se rajoute par dessous l’affaire Karachi. Deux affaires de financement de campagne, tant il est vrai qu’on ne gagne les guerres qu’avec de l’argent. Les Ziad Tiakeddine, Robert Bourgi et Patrick de Maistre occupent trop les chroniques politiques en ce moment.

 

Jacques Chirac avait déjà trempé dans pas mal d’affaires : les frais de bouche de l’Elysée, les HLM de Paris, les marchés truqués des lycées d’Ile-de-France… C’est dans cette dernière qu’il a été condamné à deux ans de prison avec sursis en décembre 2011, bien après les faits et peu après avoir perdu la mémoire. Or les affaires de corruption des années 1990 (Urba et DSK à gauche, Carignon et Noir à droite) avaient déjà tué les illusions des naïfs. L’affaire Clearstream a même vu s’accuser deux hommes politiques avant même le réveil des associations vigilantes.

 

Il est facile de promettre une république irréprochable. Le plus dur est de s’en donner les moyens. En 1991, l’affaire du sang contaminé mettait au banc des accusés Laurent Fabius, Edmond Hervé et Georgina Dufoix. Pour se défendre, celle-ci trouva la parade : « Responsable mais pas coupable ». Mais ils ne sont même pas responsables. Ayant déjà aboli la responsabilité politique en annulant la fonction du parlement de contrôler le gouvernement, les élus se sont aussi exonérés de toute responsabilité pénale en s’écrivant des règlements aux petits oignons.

 

Les ministres passent devant la cour de justice de la république, tribunal parlementaire qui condamne rarement l’un des siens. Or chaque prévenu s’arrange pour faire porter le chapeau à un fonctionnaire de son administration, tel Claude Guéant avec Bernard Squarcini dans l’affaire des fadettes. Quand le 1er ministre est accusé, il fait sauter un ministre tel un fusible, comme Charles Hernu à la défense dans l’affaire du Rainbow Warrior en 1985.

 

Les hommes politiques s’octroient en toute impunité des logements sociaux tels Benoist Apparu, Alain Joyandet ou Delphine Batho. Mais le plus fort d’entre eux reste le président, qui grâce à son statut pénal protecteur peut être coupable sans jamais être responsable. Ses amis trinquent tel Alain Juppé avec Jacques Chirac en 2004 ou Eric Woerth avec Nicolas Sarkozy en 2010, le temps que son mandat s’achève et que fassent de même son immunité et son impunité. Pendant ce temps, il prie pour que ses complices ne craquent pas en passant aux aveux.

 

François Hollande a prévu de mettre de l’ordre dans tout cela, mais à sa manière : dans le flou. Lors du débat d’entre-deux-tours, il a promis que le président pourrait « dans certaines conditions » se rendre à la convocation d’un juge pour des actes antérieurs à son mandat. Moins engagé on meurt. Mais il s’agit tout de même d’en faire un justiciable comme les autres. Il peut accuser donc il doit pouvoir être accusé. Nicolas Sarkozy s’était porté partie civile contre Dominique de Villepin mais sa femme Cécilia ne pouvait pas l’attaquer en instance de divorce.

 

Tout n’est pas si simple. Sous prétexte de couvrir un vide juridique, on s’apprête à créer un problème plus grand encore. L’immunité présidentielle permet au président de gouverner en toute sécurité contre des accusations infondées. Elle protège le chef de l’Etat car il symbolise l’Etat et qu’une condamnation de sa personne rejaillirait négativement sur l’image de la France. C’est une vision angélique et hasardeuse de vouloir le rendre disponible pour comparaitre à tout moment devant un juge, surtout s’il ne s’agit pas d’affaires touchant son mandat en cours.

 

Il est honnête de juger le plus rapidement possible le chef de l’Etat quand pèsent sur lui de solides soupçons. Cela coupe court à toute rumeur et aux doutes qui nourrissent le discours de rejet de la classe politique du FN et pourrissent de boules puantes les mandats présidentiels. Jacques Chirac jugeait « abracadabrantesques » les accusations contre lui et pensait qu’elles feraient « pschitt », mais elles l’ont bien embêtées lors des campagnes présidentielles de 1995 et 2002. Le pire c’est que le microcosme connait la vérité à l’avance sur ces sombres affaires. Si seulement il avait la sagesse de faire appliquer lui-même la loi avant le tribunal de l’opinion…

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