GAUCHE MOLLE ET DROITE DURE

« Nous devrons plus que jamais démasquer le faux socialisme des révisionnistes »

LENINE (1870-1924) – Révolutionnaire russe et socialiste avant tout 

C’est l’expression que l’on retiendra des primaires socialistes : l’allusion un brin virile de Martine Aubry à l’égard de François Hollande l’accusant de représenter la « gauche molle ». Comprendre par là que le candidat socialiste serait trop timoré dans ses convictions de gauche et trop mou dans son caractère pour défendre dignement le parti. Une critique que la droite se régalera certainement à réutiliser durant la campagne.

On comprend mieux dès lors la gauchisation du discours du Bourget. Même si en critiquant « le monde de la finance », François Hollande n’a fait qu’imiter François Mitterrand qui en 1981 dénonçait « les forces de l’argent » et Edouard Herriot qui en 1926 attaquait « le mur d’argent ». Mais il est toujours bon de faire référence aux glorieux anciens.

Ce discours de séduction envers l’aile gauche du parti - notamment Arnaud Montebourg et son thème de la démondialisation - a souvent posé des problèmes à l’atterrissage au PS. L’un des plus connus étant l’inscription de la réforme des 35 heures dans le programme législatif de la gauche plurielle en 1997 par Dominique Strauss-Kahn, qui croyant que le PS ne gagnerait pas ces élections, avait cru bon de gauchiser son profil. Misère du sinistrisme.

Néanmoins, la campagne de Hollande a été jusqu’ici relativement raisonnable et n’a pas donné dans la fuite en avant. Les précisions utiles sur la création de 60000 postes dans l’Education sont venus témoigner que le candidat compte garder le sens des responsabilités, même si elles ont du déplaire à l’aile gauche du parti et notamment à Benoît Hamon.

En face de cette gauche souple ou amollie, c’est selon, on retrouve une droite qui a délaissé ses accents radicaux-socialistes de la présidence Chirac, en tout cas au moins sur le plan des questions d’immigration. Elle est même redevenue radicalement conservatrice, voire réactionnaire. Sous l’impulsion du conseiller Patrick Buisson, c’est en effet à une véritable droitisation du discours que l’on a assisté sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy.

Il y a bien sûr eu les expulsions de Roms à l’été 2010, mais aussi la loi anti-burqa, le refus d’accorder le droit de vote aux élections municipales aux étrangers non-communautaires, le débat sur l’identité nationale… Et Claude Guéant, ministre de l’Intérieur, d’afficher fièrement qu’en 2011, la France a expulsé plus de 30000 immigrés en situation irrégulière. Pas besoin d’aller à Lampedusa pour parler aux « bons français ».

Or ce durcissement est en train d’affaiblir l’UMP, qui voit certains de ses membres fondateurs s’en aller (Borloo et les radicaux, Douste-Blazy qui retourne voir Bayrou) et son électorat traditionnel se démobiliser, ce qui posera problème pour créer une dynamique de 1er tour. Sans compter que les reports de voix du Modem au 2ème tour risquent aussi de manquer. Tout ça pour reproduire le rapt électoral de 2007 sur le FN, ça fait cher l’addition.

La gauche aura alors beau jeu de dénoncer la « droite dure », que Nicolas Sarkozy avait réussi à décomplexer en 2007, ce qui est son refrain favori quand il s’agit de se placer du côté des forces du bien et de faire la morale à l’adversaire. En 1981, la gauche avait été élue car elle avait cessé de faire peur. En 2012, la droite risque de retourner dans l’opposition car elle aura recommencé à le faire.