« Changez vos stratégies et tactiques, mais jamais vos principes »
John KESSEL (1950) – Ecrivain américain et à cheval sur les principes
Les jeux sont faits, rien ne va plus. C’est la panique à droite et dans le clan sarkozyste où l’on se demande bien comment on va pouvoir éviter la fessée. Le président lui-même redoute l’abattoir, la faute à des sondages moroses et à l’insolente réussite de son adversaire. Mais au casino comme dans la vie politique, la roue tourne et les dés sont constamment à rejeter.
Nicolas Sarkozy a peur car il a le vent de face : le rejet de sa personnalité, un bilan décevant, une crise qu’il n’a pas pu résoudre. Au contraire, son adversaire François Hollande a la main chaude et la baraka, mais c’est vrai qu’on aurait présenté une chèvre contre Nicolas Sarkozy - une vraie, pas qu’au sens figuré - qu’elle serait autant en position de gagner. Pourtant tout bon stratège doit avoir une botte secrète. Au risque de cirer les pompes, en voici une.
Sans dévoiler de secret de fabrication, une stratégie de campagne c’est un candidat avec une idée et un timing. Un tempo comme disent ceux qui ont le rythme. Nicolas Sarkozy a déjà choisi ce qu’il croit être son meilleur profil, celui du président protecteur, père tranquille de la nation qui rassemble et veille sur nous. D’où son discours devenu plus lisse, débité d’une voix d’outre-tombe au risque d’être inaudible et d’endormir tout le monde. Il veut paraitre serein.
Le problème, c’est que tout son corps dit le contraire. En 2007, Nicolas Sarkozy n’avait pas été élu par hasard. Sa personnalité forte et combative et son discours volontariste et réformateur avaient séduit les français. Sa réputation de nerveux soutenait l’idée qu’il serait un président de l’action. Avec le positionnement inverse du président qui gouverne jusqu’au bout vissé sur son trône, il ne gagnera rien, pas même un concours de circonstances.
Il a beau jouer sur le créneau de la crédibilité et de l’expérience, personne ne croit qu’il soit plus sage que François Hollande, que sa réputation de calculateur méticuleux précède. C’est d’ailleurs le talon d’Achille du candidat socialiste : grand favori des oracles sondagiers, il n’a aucune envie de dilapider son avance. Alors il évite de s’engager et se réfugie dans le ni-ni, ni austérité ni relance. Il simule et dissimule, et parle mou plus qu’il ne parle vrai.
Dès lors la stratégie gagnante pour Nicolas Sarkozy est claire. Il devra frapper fort et marquer les contrastes. Ne pas défendre son bilan indigent mais proposer un projet digeste dans une campagne éclair. Une blitzkrieg qui consisterait à lancer dès début mars son thème de campagne, n’importe lequel, pourvu qu’il parle à la France des campagnes et au vote populaire. Au risque de flirter avec l’extrême droite, mais on ne choisit pas toujours sa fiancée.
Contre un François Hollande qui joue la montre, Nicolas Sarkozy devra maîtriser le temps en faisant ce qu’il a toujours fait : le monopoliser et parler tout le temps, être offensif et agressif, imposer sa présence et s’imposer comme une évidence face à une crise où la pire décision serait l’indécision. « Moi ou le chaos », à savoir la dette de 345 millions d’euros du conseil général de la Corrèze dirigé par François Hollande, record de France en titre.
Enfin, le président devra cadrer sa campagne par une idée-phare, un projet de Big Society qui donne envie aux français et notamment à cette France silencieuse qui n’est séduite que par le bon sens et peu par le non-sens. Ceci sans prendre trop de hauteur, qui serait prise pour de la distance, d’où l’intérêt des visites de terrain à la Napoléon III du président-citoyen pour parler dans les yeux des français. Ce n’est pas gagné, mais le jeu en vaut la chandelle.