« Il faut demander plus à l’impôt et moins au contribuable »
Alphonse ALLAIS (1854-1905) – Humoriste français et non-imposable
La France compte 64 millions de sujets et presque autant de sujets de mécontentement. Son taux d'imposition est l'un des plus élevés du monde et pourtant son taux d'endettement n'a pas attendu la crise pour être insoutenable. Supérieur à 85% du PIB, il surclasse allègrement les 60% imposés par le Traité de Maastricht alors que Nicolas Sarkozy avait juré en 2007 de revenir à ce seuil. Mais la France ne vote plus de budget en équilibre depuis bien longtemps.
Elle se contente de stabiliser son déficit et se félicite qu’il soit de 5,4% au lieu de 5,7%. Que le gouvernement et l’opposition proposent les deux d’augmenter les impôts mais en aucun cas de réduire les dépenses en dit long sur la gravité du gouffre. La classe politique a porté le débat sur les niches fiscales et sur le bouclier du même nom. Tragiquement simpliste.
En réalité, le plafond d’imposition à 50% des revenus ne coûte que 578 millions d’euros par an à la France quand celle-ci accuse en 2011 près de 100 milliards d’euros de déficit. Les niches fiscales sont un manque à gagner pour l’Etat mais certaines soulagent les entreprises qui se libèrent ainsi du goulet d’étranglement des charges. Comme la niche Copé, la suppression de la taxe professionnelle ou la TVA sociale, votées pour rétablir notre compétitivité commerciale.
Nos dirigeants ont beau être des grands fiscalistes, ils ne comprennent rien à l’impôt, qui ne consiste plus comme au Moyen-Âge à lâcher du blé aux suzerains pour qu'ils le dépensent et le jettent par les fenêtres. Plus qu'une ponction, l'impôt est un mécanisme incitatif qui oriente les comportements économiques et encourage certains secteurs d'activité. Souvent, réduire un taux d’imposition augmente l’assiette fiscale car cela augmente le revenu des contribuables.
Mais surtout, l’impôt est un consentement de la société à la mutualisation des efforts. C’est pour cela que la France est un pays plus solidaire que les Etats-Unis où on mise tout sur la dépense privée. Le français est un râleur professionnel et un champion de la fraude fiscale mais il n'adhère pas au discours minarchiste du retrait de l’Etat. Excepté des énergumènes comme Nicolas Miguet, le reagano-thatchérisme a peu fait école chez nos ministres des finances.
Merci Bercy ! Mais c'est la cause de notre sinistre des finances. Les caisses sont vides et on le savait déjà, sans avoir attendu que François Fillon nous révèle qu’il était « à la tête d’un Etat en faillite ». On ne dépense que l’argent que l’on gagne si on est un bon père de famille, or la France vit depuis longtemps au-dessus de ses moyens. L’Etat a renoncé à diversifier ses recettes en pensant ainsi rester digne et s'est engagé trop tard sur la voie des fonds souverains.
Or la crise nous a foutu à poil et le roi est nu, ne sachant pas résoudre la quadrature du cercle du désendettement. Car nos gouvernants de passage et de rencontre ont trop tiré sur la bride depuis trente ans, n’hésitant pas à tirer des plans sur la comète et à compter sur les générations suivantes pour rembourser leurs méfaits. Achetez maintenant et payez dans trente ans : à l’âge du crédit, on gagne de l’argent pour compenser celui qu'on a dépensé l’avant-veille.
Jusqu’à ce qu'on n’en gagne plus. La crise ne nous a rien appris, et nous hypothéquons toujours l'avenir. Rétablir la situation risque d’être sportif vues la faiblesse de la croissance et la pression des marchés. La méthode traditionnelle mais qui ne marche pas consiste à se serrer la ceinture avec la rigueur comme en 1982 ou l’austérité comme sous Poincaré. Pas folichon.
La méthode extrême qui est suicidaire est à l’inverse de dépenser plus pour investir sur l’avenir. C’est celle du Plan de relance et du Grand emprunt, emprunts keynésiens de la droite française, mais ils n’ont de grand que le nom. « On ne meurt pas de la dette, mais on meurt de ne plus en faire » disait Ernest Hemingway, à peu près autant économiste que vous et moi.
Et puis il y a la méthode actuelle, celle du gouvernement, qui consiste à racler les fonds de tiroir en espérant y trouver des trésors. Des pansements sur une jambe de bois. C’est aussi celle du PS, qui veut baisser de 30% le salaire du président de la république qui avait augmenté de 170%. Soit. La situation est grave et les socialistes seront aussi soumis à la loi de la gravité. Ils devront proposer quelque chose de plus sérieux. Sinon on aura vraiment les poches vides.