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6 février 2012 1 06 /02 /février /2012 11:04

« Le pire quand on a une idée c’est de n’avoir qu’une idée »

 

ALAIN (1868-1951) – Philosophe français et capable d’avoir plusieurs idées à la fois

 

 

La profession de foi est un symbole de la campagne présidentielle, même si elle gaspille beaucoup de papier pour les voix qu’elle rapporte. Le candidat y détaille son programme et l’électeur s’y informe avant de faire son choix. Voilà pour la théorie. Car la pratique est plus prosaïque. En général, personne ne lit les professions de foi et personne ne connait le programme des candidats, à part deux ou trois grandes propositions des deux ou trois favoris.

 

L’enjeu d’une campagne est donc d’en imposer le thème principal. Celui qui fait parler du sujet qui met en valeur ses qualités mène les débats et gagne souvent l’élection. Pensons à Jacques Chirac. En 1995, il impose le thème de la fracture sociale pour ringardiser Edouard Balladur et est élu. En 2002, revenu de ses envolées lyriques à gauche, il bat Lionel Jospin sur le thème de l’insécurité, montrant que le choix du thème se fait aussi sur les défauts du rival.

 

Les gens ne retiennent pas tout. Choisir un thème de campagne, c’est leur imposer la seule idée qu’ils auront à retenir. Même les petits partis peuvent avoir du succès à ce jeu-là s’ils se concentrent sur des sujets de niche : le FN avec l’immigration, les verts avec l’écologie, Lutte Ouvrière avec les « travailleurs, travailleuses ». Astuce reprise par François Bayrou avec la dette.

 

Il n’y a pas besoin d’être très précis. En 1988, François Mitterrand faisait un carton avec le thème le moins engagé de toute l’histoire électorale française : le « ni-ni » ; ni nationalisation, ni privatisation. En 2007, Nicolas Sarkozy gagnait sur un slogan, « Travailler plus pour gagner plus », et tout le monde comprenait que cela voulait dire « plus de pouvoir d’achat ». En 2012, le président pourrait être handicapé par un excès de précision et un manque de simplicité.  

 

Il a beau faire la promotion de la TVA sociale, ce n’est jamais qu’une usine à gaz et un catalogue de mesures complexes, comme le furent le paquet fiscal de 2007 ou les deux plans de rigueur de 2011, auxquels personne n’avait rien compris. C’est surtout une tentative bien peu adroite de concentrer le débat sur une mesure mineure, à l’image d’une Ségolène Royal qui en 2007 croyait faire toute sa campagne sur le pavoisement du drapeau aux balcons.

 

Si les campagnes ont tendance à ne se jouer que sur un seul thème alors que l’on devrait y discuter de tout, elles ont au moins le mérite de se disputer sur des enjeux concrets. Mais s’il est important d’avoir un programme, il l’est encore plus de savoir le mettre en valeur.

 

Ainsi François Hollande a beaucoup tangué début janvier pour choisir le moment où il enlèverait le haut et révélerait les dessous de son programme. Il avait d’abord pensé ne le faire qu’en février pour ne pas subir seul la critique, au risque de perdre l’électeur. C’est le problème des campagnes qui commencent cinq ans avant la date officielle, il faut remettre régulièrement de l’action pour ne pas lasser le spectateur. Finalement il l’a fait fin janvier, et ça a payé.

 

Il a ainsi pu mettre du concret dans sa campagne et casser l’idée que sa candidature c’était du flan. En proposant le premier son programme, il a pris le contrôle de l’agenda et forcé la majorité à aller sur son terrain. Mais plus que le thème, c’est le ton qu’il a réussi à donner. On ne retiendra rien de ses « 60 engagements pour la France », comme on n’avait rien retenu des « 110 propositions pour la France » de François Mitterrand. 

 

Ce que l’on a retenu, c’est le slogan « le changement, c’est maintenant », « changer la vie » disaient les vieux de 1981. Au fait, la campagne de 2012 se jouera sur l’économie. A ce petit jeu et sans même demander le programme des candidats, on sait déjà qui paiera l’addition.

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5 février 2012 7 05 /02 /février /2012 13:26

« Un ministre, ça ferme sa gueule. Si ça veut l’ouvrir, ça démissionne »

 

Jean-Pierre CHEVENEMENT (1939) – Déjà ministre et déjà plus candidat

   

 

Dans ses moments difficiles au début de la crise, Nicolas Sarkozy avait un remède pour se redonner du courage : se comparer à Barack Obama. « Quand je me regarde, je me désole ; quand je me compare, je me console », disait-il. Ce réflexe trahit sûrement une obsession bien enfouie chez le président, qui vit difficilement que les français aient plus d’admiration pour un autre président que lui. L’interview conjointe du G20 visait en partie à compenser ce complexe.

 

Les français s’apprêtant peut-être à en élire un autre, d’autres moments plus pénibles l’attendent. La politique a horreur des sortants et leur réserve toujours la critique et la défaite, preuve en est la succession d’alternances et l’incapacité du pouvoir national à conquérir le pouvoir local depuis 1978. D’où la nostalgie du président, qui sent son heure et sa défaite proches. Certains disent même qu’il a pensé ne pas se présenter pour s’éviter une humiliation.

 

Et comme la politique a horreur du vide, tout le monde s’est empressé de lui trouver une solution de remplacement. Pas Jean-François Copé, il l’a déjà dit, lui ce sera 2017. Mais la droite a bien sûr pensé au 1er ministre François Fillon, dont la côte de confiance reste étonnamment haute malgré cinq ans dans l’enfer de Matignon. Mais son peu d’appétence pour la prise de risque et la médiatisation poussent à reconnaitre qu’il ne serait pas assez électoral.

 

Alors il y aurait bien Alain Juppé, « le meilleur d’entre nous », chevalier blanc de la droite revenu de nulle part après des déboires judiciaires qui l’ont tenu écarté de la route à l’Elysée, et un moment candidat pour suppléer le capitaine abandonné. C’était quand il n’était pas dans le gouvernement mais dans une opposition constructive qui permet d’ouvrir sa gueule.

 

Depuis qu’il a pris place à bord du Titanic, l’ancien 1er ministre et président de l’UMP l’a fermée et s’est mis au service de Nicolas Sarkozy, « candidat naturel » de la droite selon lui. Il sait surtout qu’en dépit de sondages flatteurs, il y a un pas entre être pressenti et être candidat. Robert Kennedy faisait toujours un carton dans les sondages. Jusqu’au jour où il s’est présenté.

 

En 1981, Jacques Chirac faisait contrepoids à Valéry Giscard d’Estaing. En 1988,  Michel Rocard fut pressenti pour suppléer François Mitterrand. En 2012, seul Dominique de Villepin peut donner le change à Nicolas Sarkozy, mais dans les tribunaux et pas dans les urnes.

 

Il n’y a donc pas d’alternative crédible à droite à l’hyper-président de la république, qui pendant cinq ans a fait le vide et concentré toute l’attention autour de lui. C’est cette raison même qui donne envie à beaucoup d’une alternance, faisant finalement de François Hollande un choix par défaut. Les autres choix à droite ayant tous leurs défauts, Nicolas Sarkozy en est lui-même devenu un alors qu’il aurait toujours du rester un premier choix.

 

Au contraire de l’idée reçue, les choix par défaut ont leurs qualités. En 1965, toute la gauche attendait Monsieur X, « l’homme au masque Defferre ». Finalement ce fut Mitterrand, et 16 ans plus tard la France en prenait pour 14. En 1995, Jacques Delors, alors à la Commission européenne dans une position comparable à celle de DSK au FMI, renonçait à saisir sa chance et laissait le champ libre à Lionel Jospin, qui prendrait le contrôle du PS.  

 

Donc Nicolas Sarkozy a deux solutions pour ne pas être le président d’un seul mandat. Redevenir lui-même, volontariste comme en 2007. Ou devenir un autre, et nous étonner.

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4 février 2012 6 04 /02 /février /2012 08:13

« La prévision est un art difficile, surtout quand elle concerne l’avenir »

 

Niels BOHR (1885-1962) – Prix Nobel de physique et nul en astrologie

 

 

D’habitude les élections présidentielles sont un moment qu’attendent tous les suiveurs de la chose politique, au sens de politique politicienne. Chacun donne son avis sur l’actualité de la campagne et ses envies sur l’issue du scrutin, même si cela se termine souvent en jeu de petits chevaux. Et comme en général le suspense est au rendez-vous, les discussions habituellement réservées à un cercle fermé d’initiés parisiens en viennent à passionner le plus grand nombre.

 

Cette année devrait être différente. On s’achemine en effet vers un scrutin sans surprise, le plus prévisible des quarante dernières années. De par son avance dans les sondages (34% au 1er tour et 57% au 2ème tour), François Hollande semble trop léviter et marcher sur l’eau pour pouvoir boire la tasse d’ici le 6 mai. De par son bilan face à la crise, Nicolas Sarkozy semble trop patauger pour remettre la tête hors de l’eau et éviter la noyade.

 

Il pourrait réduire la distance au 1er tour en remobilisant son électorat traditionnel, qu’il a lâché et qui l’a lâché au cours des cinq dernières années. Mais les reports de voix du 2ème tour et notamment des électeurs du Modem semblent déjà le condamner d’avance.

 

D’habitude pourtant les élections présidentielles sont indécises jusqu’au bout. Elles se jouent en général courant février-mars, avant même la campagne officielle, quand l’opinion « se cristallise ». Mais cela on ne le sait souvent qu’après coup. Et l’expérience montre qu’il faut se méfier des surprises de dernière minute : le ballotage de De Gaulle par Mitterrand en 1965, l’élimination dès le 1er tour de Balladur en 1995, l’accession de Le Pen au 2ème tour en 2002…

 

Mais cette année la crise économique est passée par là et l’a tout emporté. Le suspense et la passion. C’est l’Histoire qui vient bousculer le quotidien, dévastant tellement l’économie que le peuple ne se pose même plus la question de savoir si le changement, c’est maintenant. Nicolas Sarkozy sera sans doute sans l’avoir voulu le Hoover (pas J. Edgar, l’autre, Herbert) de notre temps, davantage battu par le cours des événements que par l’allonge de l’adversaire.

 

François Hollande est lui déjà président avant même d’avoir été élu, en quelque sorte une sorte de pré-sident. 2012, ou les élections les moins indécises depuis fort longtemps.

 

Encore qu’il faudra compter avec le vote des indécis, ces électeurs récalcitrants à répondre aux sondages et qui préfèrent murir longtemps leur choix pour être sûr de faire le bon le seul jour qui compte, celui du vote. Le suspense pourrait venir d’eux, et Nicolas Sarkozy espère y retrouver ses électeurs de 2007, qui se donnent jusqu’au dernier moment pour savoir s’ils suivront leur raison qui leur dit de faire le choix de leur cœur.

 

Si la crise a condamné ces élections à une imprévisible certitude, il faut quand même noter que cette campagne nous a déjà rassasiés en événements imprévus, cette prévisible incertitude qui fait d’ordinaire les bonnes élections présidentielles. Qui en effet avait prévu que DSK trébucherait ainsi sur une femme de chambre de son piédestal des sondages ?

 

Qui avait vu venir François Hollande, potentiellement promis il y a cinq ans à devenir première dame et à se coltiner la garde des enfants, et aujourd’hui héritier attendu - mais inattendu - de François Mitterrand ? Mais gouverner, c’est prévoir ; et prédire, c’est difficile.

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