« Je ne cherche pas à faire de blagues,
je surveille ce que fait le gouvernement et je le raconte »
Will ROGERS (1879-1935) - Humoriste américain et fin observateur
Dans ces élections qui s’annoncent sans suspense, se dégage nettement un favori : François Hollande. Crédité de 30% d’intentions de vote dans la plupart des sondages de 1er tour, le candidat fait la course en tête depuis sa victoire aux primaires socialistes du 16 octobre dernier. Rien ne semble devoir l’arrêter. Rien ? A part peut-être lui-même…
François Hollande l’a dit et répété : « Si nous perdons, ce sera notre faute ». C’est dire : les élections semblent à ce point jouées que seule une erreur des socialistes pourrait mettre en danger leurs retrouvailles annoncées avec le pouvoir. Mais ces derniers mois nous ont rappelé que rien n’est jamais écrit d’avance : François Hollande devrait être lui-même conscient que son retour en grâce tient pour beaucoup à l’invraisemblable sortie de route de DSK.
Alors comment pourrait-il bien se tirer une balle dans le pied ? Par exemple en suivant le modèle de son ex mentor Lionel Jospin. Alors candidat à l’élection présidentielle de 2002 et nettement favori dans les sondages, il associât son rival Jacques Chirac aux termes peu élogieux de « président, vieux, usé et fatigué », lequel ne manquât pas de s’indigner. La suite est connue : un retournement de tendance dans les sondages et le séisme électoral du 21 avril.
François Hollande serait-il du genre à commettre à son tour la même indélicatesse ? Celui que Laurent Fabius a un jour affublé du sobriquet réducteur de « Monsieur Petite Blague » est en effet un adepte des bons mots. Mieux encore, un habitué du Prix de l’humour politique. Pour ne citer qu’un exemple, rappelons son trait d’humour au début du quinquennat sur les ratés de la communication du gouvernement : « Sarkozy est passé de la présidence bling-bling à la présidence couac-couac ».
Si François Hollande a survécu durant sa traversée du désert suite à son retrait de la direction du PS, c’est bien en grande partie grâce à son humour, dont les journalistes raffolent et que les français apprécient. Or c’est aussi ce qui pourrait le piéger. Un jour, Lionel Jospin, qui en connait un rayon sur le sujet, le lui avait dit : « François, ton humour te perdra ».
On comprend bien que dans cette campagne de petites phrases, il y a danger à user et plus encore à abuser de ce genre de procédés. Il n’y a qu’à penser au psychodrame médiatique de l’épisode du « sale mec », propos désobligeants qu’aurait tenus François Hollande au sujet de Nicolas Sarkozy. Or avec un candidat qui cherche tant la bonne blague, comment ne pas penser qu’un tel événement puisse se reproduire ?
En effet, parait-il invraisemblable qu’au cours de l’un de ces meetings endiablés, ceux au cours desquels on devient trop euphorique pour pouvoir se contrôler, Hollande ne se moque de la petite taille de son rival ? Ou encore, parait-il inenvisageable qu’au détour d’une autre conversation à bâtons rompus avec des journalistes il ne laisse sous-entendre que pour lui l’élection est jouée d’avance, ignorant par-là le verdict de l’électeur. Nul doute qu’à l’UMP on réagirait au quart de tour, comme d’habitude.
Il semble que l’enjeu n’est plus tellement de savoir si Hollande va tomber dans le piège ou non mais bien de savoir quand. Carbone 12 prend les paris. Affaire à suivre.