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2 février 2012 4 02 /02 /février /2012 07:18

« Donnez-moi le droit de ne pas avoir d’opinion »

 

Roland BARTHES (1915-1980) – Sémiologue et ni pour ni contre

 

 

Les sondages font désormais partie de notre quotidien. Chaque élection génère un jeu des pronostics où les instituts tentent de prédire l’avenir et le résultat final. Et où les commentateurs jouent les accusateurs publics le soir des résultats s’ils se sont trompés. On pense évidemment à l’exemple de 2002 où personne, pas même ces mêmes commentateurs, n’avait réellement pris au sérieux l’hypothèse d’une présence de Jean-Marie Le Pen au 2ème tour.

 

Les sondages sont l’objet de critiques récurrentes, surtout de ceux à qui ils ne sont pas favorables. Ce fut le passe-temps favori de François Bayrou en 2007 et l’argument de dernière minute de Ségolène Royal aux dernières primaires socialistes pour remobiliser ses partisans. Or les gens ont tendance à voter pour celui qui est en tête dans les sondages car cela leur offre le plaisir d’une victoire par procuration, ce que le jargon sondagier nomme « effet bandwagon ».

 

Qu’importe que ceux à qui cet effet profite ne s’en plaignent en revanche jamais. Par exemple la même Ségolène Royal qui sortit gagnante des primaires socialistes en 2006 n’eut rien à redire sur ces enquêtes qui lui donnaient une large avance et du coup une belle légitimité au sein du PS en vue des présidentielles. Michel Rocard, amer, notera que « les élections de 2007 furent les premières où les sondages ont entièrement déterminé l’issue du scrutin ».

 

Or les partis ont l’habitude de suivre ces chiffres pour voir si leurs candidats sont dans le rythme. Par exemple, les verts n’ont pas hésité en 2002 à retirer d’un coup de pied leur candidat Alain Lipietz pour le remplacer au pied levé par Noël Mamère. Avec succès, à méditer pour 2012. Mais compte tenu de l’impératif démocratique de garantir le libre-choix de l’électeur, la publication de sondages est donc interdite deux jours avant chaque élection.

 

Mais le mal est déjà fait à cette altitude. Il vient moins de l’orgie sondagière de la campagne - qui en dépit des critiques est souvent fiable - que du carnaval d’enquêtes de popularité qui émaillent les cinq années précédant chaque élection. Elles sont un danger car elles font le tri entre les candidats qui ont un sex appeal électoral et les autres, sans que les questions (« Avez-vous une opinion positive de… ») n’impliquent forcément un vote futur.

 

Les sondages font donc l’élection en amont, dans le choix des participants à la compétition. Ce sont eux qui ont poussé tant de candidats malheureux à se présenter : Michel Rocard, Edouard Balladur, Dominique Strauss-Kahn… Or personne ne prend le temps de dire qu’ils ne donnent que la tendance du jour et pas le résultat du vote qui aura lieu dans trois ans. Mais ayant popularisé le vote de tous les jours, les sondages sont devenus de véritables oracles.

 

La France est tombée dans cette frénésie du panel, publiant chaque année plus de 500 enquêtes d’opinion, record du monde. Le gouvernement aussi, qui en a plus abusé qu’usé. Il est alors amusant de se rappeler les critiques adressées par Nicolas Sarkozy à Pierre Giacometti lorsqu’au soir de la défaite d’Edouard Balladur en 1995 il accusa les sondages d’avoir placé son mentor trop haut sur sa chaise à porteurs, démobilisant son électorat trop sûr de sa victoire.

 

Aujourd’hui Nicolas Sarkozy est plutôt en déambulateur tant sa côte de popularité, ce plébiscite de tous les jours, se traîne dans les bas-fonds. Des chiffres qui ont donné des idées à droite où se multiplient les candidatures, ce qui pourrait favoriser un 21 avril à l’envers.  

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