« Vous finissez votre nom. Je commence le mien »
VOLTAIRE (1694-1778) – Philosophe français et descendant qui monte
En 200 ans, la France a changé. La politique française a dû changer aussi. Et pourtant… La révolution française était censée permettre aux fils du peuple de participer au jeu du pouvoir et même de l’exercer. Là où jadis le roi transmettait sa fonction de père en fils, on lui a coupé la tête pour mettre fin à des siècles de pouvoir héréditaire qui ne se basaient que sur la victoire à un moment donné d’un seigneur qui avait su taper plus fort sur les autres et faire en sorte que la gestion du royaume ne sortirait plus de sa famille. La république était censée changer tout cela.
Rien n’est moins sûr. Sous l’Ancien régime, les chevaliers avaient fini par accumuler tant d’honneurs et de gratitude qu’ils en sont devenus nobles et que leurs enfants ont aussi hérité de leurs titres. Sous le nouveau, c’est pareil. A peine devenu empereur, Napoléon voulait que son immense pouvoir soit transmis à sa mort à son fils. C’était l’aiglon. Né le 11 octobre 1814, il mourra le 22 juillet 1832. Finalement le grand homme sera comblé à titre posthume puisque son neveu Louis-Napoléon alias Napoléon III lui succédera. Et il n’y eut point de Napoléon II.
Le népotisme est de toutes les époques et de tous les régimes. Alors qu’il se fait désirer et crée l’attente autour de lui en vue d’un éventuel retour de la vengeance, Nicolas Sarkozy écrit l’histoire de sa dynastie. Il croit beaucoup en son fils Jean, voué à être le futur aiglon tant il aura été mis sous le feu des projecteurs trop tôt et très mal. L’affaire de l’Epad devrait ternir pour longtemps l’image du jeune Jean Sarkozy. Ce sous-diplômé veut faire carrière comme son père, or celui-ci lui nuit en voulant l’aider. Il continue en s’obstinant et en s’abstenant d’être abstinent.
Ce « fils de » est comme le prince Charles, qui attend désespérément et sans espoir que sa mère veuille bien se retirer pour enfin devenir la reine d’Angleterre. Il ira où le vent portera. Mais jamais bien loin. Même quand l’occasion se présentera, les soupçons de favoritisme qui pèseront contre lui seront assez forts pour le défavoriser. C’est injuste, mais c’est la vie. Avec un peu de chance, il finira comme tant d’autres de ces enfants gâtés, qui comme dans le commerce et l’artisanat voient leurs pères leur passer la main en espérant qu’ils ne fassent pas moins bien.
C’est souvent le cas. La politique est une affaire de familles. Mais les familles ne font pas toujours des affaires. Thomas Hollande, le fils de François, est plutôt un enfant de la télé qu’un enfant prodige. Louis Giscard d’Estaing, le fils de Valéry, est maire de Chamalières comme son paternel et c’est à peu près tout. VGE descendait pourtant d’une belle lignée politique. Gilbert Mitterrand, le fils de François, est maire de Libourne et personne ne sait la situer sur une carte. Son neveu Frédéric fait à peine mieux, puisque ce n’est pas beaucoup mieux qu’une fofolle.
Passons aux ministres, maires et parlementaires. Jean-Louis Debré, le fils de Michel, a fini président du conseil constitutionnel parce qu’il était fidèle à Jacques Chirac là où son père fut le 1er ministre de Charles de Gaulle pour ses propres mérites. Son frère Bernard, lui, dit une connerie à chaque phrase qu’il prononce. Axel Poniatowski, le fils de Michel, n’est connu que parce que son nom a été porté par un roi de Pologne. Nathalie Kosciusko-Morizet, la fille de Jacques Morizet, fait certainement mieux que lui mais c’est parce qu’elle lui doit vraiment tout.
Les Casimir-Périer, les Jeanneney et les Dassault ; les Médecin, les Grenet et les Baudis. Autant de familles qui ont monté leur petite affaire et que les électeurs récompensent car ils se sont donnés la peine de naître. Même si certain(e)s se font à la force du poignet. Martine Aubry n’a pas eu besoin du nom de son père Jacques Delors pour faire une aussi jolie carrière que lui. Marine Le Pen n’a pas eu besoin de l’aide de son père Jean-Marie pour prendre son parti et le mener à son meilleur score aux élections présidentielles. Ce n’aurait pas été lui rendre service.
Être un « fils de » est presque une insulte tant il devient pénalisant en démocratie d’être bien né. C’est un fardeau plus qu’un piston - même si ça l’est aussi - ne serait-ce que parce que tout le monde vous attend au tournant. On ne souhaitera donc à personne de le devenir.