« Le public semble plus demandeur de premières idylles que de nouveaux talents »
Philippe BOUVARD (1929) – Journaliste français et amoureux du passé
Le renouveau, c’est Bruno ! C’est en tout cas ce qu’arborent fièrement les militants UMP qui soutiennent la campagne de Bruno Le Maire pour la présidence du parti. L’ancien ministre de l’agriculture est parti très tôt en campagne. Pas simplement en juin après la démission de Jean-François Copé mais dès 2012, et il s’est structuré un réseau de fans dans chaque fédération. Seul quadra parti dans la bataille, il a tout à y gagner. Y compris d’un score meilleur que prévu face à Nicolas Sarkozy.
Bruno le Maire a pris ses distances avec l’ancien président. Juste ce qu’il faut. D’un côté il l’égratigne un peu dans son livre sur son expérience du pouvoir. De l’autre il l’applaudit en réunion publique car il sent bien le vent des militants. Il ne faut pas insulter l’avenir. Sa candidature est une candidature de témoignage. Il sait qu’il n’a aucune chance de battre Nicolas Sarkozy. Par contre il sait qu’il a une chance de devenir son 1er ministre s’il réussit à peser assez dans la droite de demain.
Bruno Le Maire joue la carte du renouveau car il sait que paradoxalement, c’est ce qu’attendent aussi les militants. La stratégie est loin d’être idiote. Nicolas Sarkozy incarne le passé. Une partie de la droite et des français veut passer à autre chose. Il a eu sa chance. Alors autant se classer dans la nouvelle génération à qui il faut donner la sienne et qui ne veut pas être sacrifiée. Celle que veut constituer Nicolas Sarkozy en démarchant tant de jeunes qui ne sont pour lui que des faire-valoir.
Incarner le renouveau pour vieillir Nicolas Sarkozy
On l’a compris, le programme de Nicolas Sarkozy c’est tuer l’UMP. Drôle d’idée de se présenter à la tête d’un parti pour en annoncer la fin. C’est peut-être là que Bruno Le Maire peut amasser des voix. Il a promis de remettre l’UMP en ordre de marche. Il vante son honnêteté et son opposition au cumul des mandats comme pour faire contraste avec le passé. C’est toujours facile à dire quand on n’a jamais rien fait. On croirait entendre son ancien mentor Dominique de Villepin. Même dans la voix.
Le grand mérite de Bruno Le Maire, c’est qu’il a travaillé depuis des mois un projet et un programme pour l’avenir de la France. En coulisses, ce qui lui ressemble bien. Il a établi trois priorités pour l’avenir : la réforme de l’État, la lutte contre les déficits et l’éducation. Son grand problème, c’est qu’il est trop gentil et qu’il doit s’acheter un charisme. Preuve en est, il peine à rassembler des troupes suffisantes parmi des élus UMP en pleine sarkolâtrie. Mais courir les soutiens ne fait jamais une élection.
Il a les yeux bleus et écrit des romans comme personne, mais cela risque de ne pas être suffisant. Déjà les adversaires de sa génération, de François Baroin à Laurent Wauquiez en passant par NKM, se sont ralliés à Nicolas Sarkozy comme pour lui savonner la planche. Ils ont peut-être tort, tant l’ancien président a toujours mieux traité ses ennemis parce qu’ils savaient lui résister que ses amis parce qu’ils ne savaient pas l’amender. Or mieux vaut être maître chez soi qu’esclave chez l’autre.
Le problème des gens beaux c’est qu’ils vous rendent jaloux. Honnête, trop honnête, Bruno Le Maire a encore à faire s’il veut se fabriquer un destin présidentiel derrière cette campagne interne qu’on imagine n’être qu’un strapontin. Il devra se construire une relation avec les français, faite de hauts et de bas, de bonheurs et de douleurs. Il devra se décoincer, au risque d’être ridicule en voulant faire populo alors qu’il est surtout intello. Mais le renouveau passe toujours par sa propre remise en question.