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15 mai 2012 2 15 /05 /mai /2012 05:42

« Le monde est rempli de faux témoins »

 

Louis ARAGON (1897-1982) – Poète français et sans alibi

 

 

C’est aujourd’hui qu’on change le président. La passation de pouvoir aura lieu à l’Elysée entre Nicolas Sarkozy et François Hollande et officialisera le changement pour ceux qui n’y croient pas encore. Nicolas Sarkozy fera bonne figure en félicitant son bourreau pour garantir la continuité républicaine, une semaine après son invitation du 8 mai où il y eut deux présidents.

 

Pour le remercier, François Hollande lui serrera la main en passant et marquera le contraste par rapport à 2007 où son hôte avait invité toute sa famille et la tablée du Fouquet’s. Il essaie déjà depuis une semaine de la jouer modeste au son de l’accordéon et des restos pas chers. Dommage que Bertrand Delanoë lui prépare un festin de roi pour lui rendre hommage.

 

Ségolène Royal ne sera pas invitée mais l’enfant de la télé Thomas Hollande sera là. Il y aura des tas de témoins de ce passage de témoin puisque la cérémonie sera retransmise à la télévision. Les mamies regarderont et apprécieront ce symbole de la permanence de l’Etat qui permet même après la bagarre politicienne de réunir le pays autour de son nouveau chef.

 

Les passations de pouvoir entre droite et gauche ne sont d’ailleurs pas les plus tendues. Celle d’aujourd’hui sera cordiale comme celle de 1995 entre François Mitterrand et Jacques Chirac fut joviale. Le sortant avait alors fait campagne pour l’entrant qui n’en était toujours pas revenu. Au contraire, celle entre Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy fut pâle vu le monceau de sarcasmes que s’étaient adressés les deux hommes, qui n’avaient pas passé le 8 mai ensemble.

 

L’un des deux apprécie rarement de déménager. Valéry Giscard d’Estaing avait peiné à passer le relais à François Mitterrand en 1981 tant il restait accroché à son trône. Charles de Gaulle n’avait pas souhaité bonne chance à Georges Pompidou en 1969 puisque ce dernier l’avait poussé vers la sortie par sa candidature de Rome. Le même Charles de Gaulle ne s’était pourtant pas embarrassé au moment de virer René Coty de sa camomille de l’Elysée en 1958.

 

Or les passations ne sont pas toujours pacifiques. On le voit avec les pays d’Afrique comme le Gabon ou la Côte d’Ivoire où les sortants peinent à reconnaitre leur défaite. Et il a longtemps fallu en France changer de régime pour changer de gouvernement. L’an dernier encore, François Baroin accusait la gauche d’avoir pris le pouvoir « par effraction » en 1997.

 

C’est le cas des changements de ministre où le sortant l’a toujours mauvaise. C’est moins le cas des changements de 1er ministre car ils sont souvent au bout du rouleau. Alain Juppé avait passé la main exténué en 1997. Lionel Jospin était honteux d’en finir en 2002. Dominique de Villepin était soulagé de partir en 2007, surtout sa femme. Les photos de serrage de main sur le perron symbolisent ainsi la fin du match et le passage du temps. Mais la passé c’est dépassé.

 

Souvent les passations de pouvoir sont des cérémonies protocolaires et ennuyeuses. Le président-potiche sous la IIIème et la IVème République passait souvent le relais un bouquet de chrysanthèmes à la main comme pour mieux montrer à son successeur ce qui l’attendait durant son mandat. Or aujourd’hui que fait le président à part inaugurer les chrysanthèmes ?

 

Les passations de pouvoir ne sont que des passages de témoins. Le président de la république est censé avoir tous les pouvoirs or il n’est qu’un témoin de son temps qui regarde passer les trains. Il n’a aucune prise sur la finance et est dragué par tous les lobbyistes de la terre. Il lui manque à peu près tout pour être un chef d’Etat : être un chef et avoir un Etat. L’Etat ce n’est pas lui, même si les cérémonies essaient encore de le faire croire. Il est tout juste bon à signer des parapheurs comme Paul Deschanel dans le temps sur la taille des poulaillers.

 

Cette cérémonie symbolise finalement un Etat en crise qui n’a plus d’autorité et essaie encore de le faire croire en abusant des dépôts de gerbe qui donnent la gerbe au contribuable. Le train de vie de l’Etat va trop vite et les élus de la république sont en représentation plus qu’en action car ils ont de l’argent pour l’un et pas pour l’autre. Et on se désolera que la priorité n°1 des français soit la baisse du salaire du président, une goutte d’eau dans cet océan de dette.

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7 mai 2012 1 07 /05 /mai /2012 06:53

« Où est l’avenir ? Il est en nous »

 

 Charles DE GAULLE (1890-1970) – Ancien président de la république et homme d’avenir

 

   

Voilà c’est fini. François Hollande est élu président de la république et a mis Nicolas Sarkozy à la retraite. On n’entendra plus parler de lui, à moins que la tentation soit trop forte. Cela devait finir par arriver après dix ans de droite et il fallait bien changer un peu pour que ce ne soient pas toujours les mêmes. Le quinquennat a mis en cadence le temps présidentiel et le temps législatif pour remettre tous les cinq ans le pouvoir en jeu. La droite retentera sa chance en 2017 car « il est facile d’obéir si l’on rêve de commander », comme disait Jean-Paul Sartre.

 

Le « parti sialis » a tous les pouvoirs : exécutif et législatif (le sénat et bientôt l’assemblée nationale), national et local (avec les victoires patiemment acquises depuis la déroute de 2002). Seules les élections cantonales - toujours très rurales - et les élections européennes de 2009 lui ont échappé et ont consolé l’UMP. Il se prépare pourtant à tout perdre peu à peu or 2014 sera un tournant avec des élections municipales, européennes, régionales et cantonales. Le PS avait déjà coulé en 1983 aux élections municipales avant de perdre les élections législatives de 1986.

 

Il y aura de la baston ces deux prochains mois. En mai pour distribuer les ministères, même si François Hollande n’a pas promis le même portefeuille à plusieurs morfales comme l’en accusait Martine Aubry, 1ère secrétaire par intérim. En juin pour les élections législatives, où la gauche rêve d’une vague rose comme en 1981. Et craint une majorité relative comme en 1988 où Michel Rocard avait inventé l’ouverture pour éviter la cohabitation. François Hollande n’en veut pas mais pourrait y être forcé après avoir donné 60 circonscriptions aux verts.

 

Le président aura cent jours d’état de grâce et une session parlementaire extraordinaire pendant l’été pour faire passer ses projets. Il pourra faire adopter ses 60 engagements comme François Mitterrand en 1981 qui avait fait voter la retraite à 60 ans, la cinquième semaine de congés payés et l’abolition de la peine de mort. Ou bien il pourra détricoter le bilan de son prédécesseur, en revenant sur la retraite à 62 ans, la réforme territoriale ou le bouclier fiscal.

 

Et les ennuis commenceront. Il faudra renégocier avec l’Allemagne le traité sur le MES. Mais Angela Merkel sera moins rigide que ce que l’on croit. L’Allemagne paiera. Il faudra bien résoudre la quadrature du cercle de la crise : se désendetter et créer de la croissance. François Hollande l’a dit, mais sans dire comment y arriver. Il faut de la dette pour créer de la croissance et de la croissance pour réduire la dette, or pour créer de la croissance il faut faire de la dette.

 

Comme souvent la solution viendra toute seule et pas de la politique. La BCE acceptera de dévaluer l’euro en injectant des liquidités et en émettant des eurobonds au lieu de financer des banques à 1% pour qu’elles revendent des crédits à 6% aux Etats. Le rebond viendra, et les dépensiers qui nous gouvernent continueront à faire de la dette tels des alcooliques anonymes qui se promettent d’arrêter de boire autour d’un dernier verre. Jusqu’au prochain krach.

 

A droite c’est lendemain de défaite et on contemple l’épave du navire. Nicolas Sarkozy parti, Jean-François Copé a le leadership par intérim et convoquera un congrès où l’affronteront François Fillon, Alain Juppé et Xavier Bertrand. Ensemble ou pas. Grand perdant en 2007, le maire de Meaux s’est tissé un réseau quand il fut président du groupe UMP à l’assemblée avec François Baroin, Bruno Le Maire et Christian Jacob. Le chef de bande des bébés Chirac est parti pour rester après avoir récupéré le parti désormais minoritaire en novembre 2010.

 

Il joue du piano debout mais ce n’est qu’un détail pour nous. Il devra renoncer à sa mauvaise foi s’il veut mener une opposition constructive et préparer la revanche de 2017. Face à un président qui en a parlé sans l’appliquer et qui sait qu’on n’est pas glorieux quand on est dans l’opposition, il devra garder les fondamentaux même dans les pires moments pour donner le meilleur de lui. L’échec des uns ne permet pas le succès des autres et une opposition stérile serait sanctionnée par les français qui ne jouent le vote sanction qu’aux élections intermédiaires.

 

« Il est plus facile de faire la guerre que la paix », disait Georges Clemenceau. L’UMP repartira en campagne après avoir battu en retraite, le ridicule ne tuant pas car il n’y a que la mort qui tue. On a tous le droit de tomber, l’essentiel est de se relever. Et pour gagner, il faut parfois accepter de perdre. En 2017 la victoire sera peut-être en nous. En 2012 elle était en eux.

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6 mai 2012 7 06 /05 /mai /2012 06:00

« La gloire ne se donne qu’à ceux qui l’ont toujours rêvée »

 

Charles DE GAULLE (1890-1970) – Ancien président de la république et glorieux ancien

  

  

Aujourd’hui c’est jour de vote et jour de gloire pour la démocratie. Il n’était pas évident il y a deux siècles que les citoyens éliraient un jour leurs dirigeants avec un petit bout de papier dans un isoloir. Mais les despotes pensèrent qu’il valait mieux que le peuple manifeste sa colère dans les urnes que dans la rue, manipulant le vote et lui faisant perdre ses lettres de noblesse démocratiques. C’est pourquoi certains pensent encore que les élections sont un piège à cons.

 

Pas François Hollande, pour qui c’est le grand jour même si c’est par le plus grand des hasards. Personne à part lui - mais il bluffait - ne lui prédisait un 10 mai, surtout pas après qu’il ait renoncé à se présenter aux élections de 2007 et à diriger le PS en 2008. La chute de DSK l’a sauvé et la disgrâce de Nicolas Sarkozy l’a sacré. Mais ce sera un vainqueur par défaut et par accident, obligé de s’excuser d’avoir gagné et de promettre de ne pas recommencer.

 

Mais il se présentera en 2017 car il se contente de peu mais désire beaucoup. Il prendra ce qu’il y aura à prendre et se goinfrera de pain tant qu’il sera blanc. Il a le vent en poupe et est conscient que cela ne va pas durer. Qu’il a été élu sur un rejet de Nicolas Sarkozy et parce qu’il incarnait l’alternance. Pas pour ses qualités personnelles. Mais il est élu, et c’est l’essentiel.

 

Il n’est peut-être pas digne de recevoir ce don. Car dans ces élections courues d’avance où il était facile de miser sur le bon cheval, il se sera peu engagé et n’aura pas pris de risques avec sa large avance dans les sondages qu’il a gérée en bon père de famille. La gauche était attendue au tournant de la crédibilité or il portait sur ses lunettes cette image de sérieux qui rassure ceux qui craignent la dépense. Les marchés ne devraient pas paniquer comme en 1981 quand François Mitterrand s’était aventuré à promettre des nationalisations et de l’inflation.

 

Il en a dit le moins possible et détalé comme un lapin face à Nicolas Sarkozy qui croyait le débusquer. Son programme est pourtant réaliste et comporte même des hausses d’impôts, même si la taxation à 75% des riches est confiscatoire et le financement des 60000 enseignants hasardeux. Il savait qu’en détaillant trop il s’exposerait et perdrait des voix. Il a donc déposé ses propositions dès janvier et n’a plus bougé après pour que les gens aient le temps de les oublier.

 

« On gagne toujours à jouer cartes sur tables, surtout quand on a la réputation de cacher son jeu », disait Isaac Asimov. Hollande le manœuvrier a risqué une campagne à l’économie, mais la droite n’a pas su le dénoncer et préféré railler sa fausse mollesse. A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. Le socialiste a fait comme ses camarades européens d’opposition, de gauche comme de droite : il s’est laissé porter par la vague de la crise et a attendu qu’elle noie le président, faible de son bilan parce qu’il n’a pas fait ses devoirs et faisant l’unanimité contre lui.

 

Difficile de dire si la gauche a menti pour revenir au pouvoir. Toute élection est un jeu de manipulation où il faut tromper sans se faire prendre. Elle avait sa rhétorique du grand soir révolutionnaire, surtout avec la bonne campagne de Jean-Luc Mélenchon, mais elle présentera au grand jour un programme réformiste. François Hollande veut faire les choses bien, dans l’ordre, les unes après les autres. Comme Lionel Jospin dans le temps. Il avait la carrure d’un 1er ministre ou d’un idéologue de bureau. Pas d’un président charismatique et populiste.

 

Le socialiste a assez endormi son monde, bonne nuit les petits. Il attend la victoire de ce soir pour passer à l’action, mais il ne passe pas pour un survolté. « On gagne puis on voit », disait Napoléon. Or une victoire moins large que prévu lui enlèverait d’emblée de la légitimité, sans parler d’une victoire étriquée aux élections législatives qui montrerait que le pays reste à droite et qu’il n’a basculé que sur le rejet d’un seul homme. Cela n’a pas empêché Carbone 12 de s’être bien amusé durant cette campagne. Au revoir, et n’oubliez pas d’aller voter.

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