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24 avril 2012 2 24 /04 /avril /2012 15:12

« Il faut savoir terminer une grève »

 

 Maurice THOREZ (1900-1964) – Ancien secrétaire général du PCF et 1er mais…

 

 

« Ce n’est pas la rue qui gouverne », disait Jean-Pierre Raffarin. Ça va mieux en le disant. Les hommes politiques veulent tous être président de la république ou 1er ministre parce que c’est là où est le pouvoir, pour reprendre une vieille formule de Kennedy. Et ils se rendent compte quand ils y accèdent que ce n’est pas vrai. Un prince ne gouverne pas. Il gère le pouvoir au jour le jour en priant pour que n'éclate pas une fronde, une révolte ou une révolution.

 

Les dirigeants des pays arabes l’ont vérifié à leurs dépens près de deux siècles après le Printemps des peuples en Europe. Les gouvernants croient commander les gouvernés or ils sont commandés par eux, surtout s’ils ont l’œil rivé sur les sondages et la prochaine élection. Il est bon d’écouter le peuple mais pas de trembler à la moindre de ses manifestations d’humeur, là où d’autres ont moins de scrupules à massacrer les révoltes dans le sang.

 

L’ordre règne à Homs plus qu’à Varsovie. Depuis la révolution française, le peuple descend dans la rue pour faire entendre ses revendications : d’abord le pain, puis le travail, enfin les loisirs. Les premières furent matées dans le sang comme la Commune de Paris de 1871 ou les grèves ouvrières de 1906. Les dernières mirent en échec le pouvoir en place comme les grèves contre la réforme des retraites en 2003 ou contre le CPE en 2006.

 

C’est la faute à Mai 68, qui met les gens dans la rue contre le chômage et contre le travail. Les étudiants veulent plus de cours et des motifs pour les manquer et les parents plus d’ordre pour pallier leur permissivité. Et le pouvoir a peur, surtout depuis ces révolutions de salon des grèves de 1984 contre la suppression de l’école privée, de 1986 contre la privatisation de l’enseignement supérieur ou de 1995 contre la réforme des régimes spéciaux de retraite. La moindre manifestation à 15000 chevelus mérite désormais la réception d’une délégation sous les ors de la république.

 

En 2011, Stéphane Hessel - 90 ans et plus toutes ses dents - signait « Indignez-vous », un record de ventes et un bref pamphlet à l’eau tiède sans aspérité et avec tous les lieux communs de la pensée unique antiraciste, pacifiste et progressiste. Il y encourageait les jeunes générations à s’indigner - pas à se rebeller, faut pas pousser - contre les méfaits de la société libérale et capitaliste, comme à la grande époque de la Résistance, excusez-moi du peu.

 

Les maquisards du dimanche (ou de la semaine, le jeudi c’est bien pour ne pas aller au travail) n’ont pas besoin de ça pour prendre les barricades. Bercés par la mythologie pseudo-soixantuitarde et les exploits des ouvriers du Front Populaire de 1936, ils rêvent de leur grand soir, même si au petit matin ils auront la gueule de bois. Les lendemains qui chantent ce n’est pas pour demain, alors ils vivent au jour le jour sans penser aux conséquences. Et ils se paient de temps en temps le luxe d’une grève de trois mois qui paralyse le pays.

 

Les insensés qui sont censés nous gouverner privilégient leur côte de popularité à leur postérité et reculent en pensant sauver l’essentiel, à la notable exception de la réforme des retraites de 2010. Le conflit social est un sport qui se joue à deux sans dialogue et à la fin, ce sont toujours les syndicats qui gagnent et la France qui perd. Il ne faut pas s’étonner alors que le pays soit l’un des plus anticapitaliste et altermondialiste du monde. Le patron n’emploie pas, il exploite. L’argent ne fait pas vivre, il fait vivre aux dépens des autres.

 

C’est la rue qui gouverne, or jamais le peuple n’a eu aussi peu de pouvoir. Loin d’avoir son destin en main, il en a remis les clés à une minorité active qui a rétabli le suffrage censitaire à son seul profit. La majorité silencieuse qui préfère le changement à l’inertie des corporatismes n’a qu’à la fermer. Or le pouvoir en rajoute en se mettant tout seul la rue à dos. Par manque de méthode, de doigté ou de pédagogie. Ou par manque de stratégie, en ouvrant trop de fronts à la fois et en horripilant tout le monde en même temps.

 

Ne vous indignez pas. Le monde comme il va ne va pas toujours en s’améliorant, mais tout de même on vit drôlement mieux aujourd’hui qu’il y a deux siècles. L’essentiel est acquis alors on finasse sur les détails, le superflu et le superficiel. On s’indigne pour se sentir vibrer quand d’autres se révoltaient pour sauver leur vie. Notre pays qui va droit dans le mur scie avec entrain la branche sur laquelle il est assis. Alors que nous avons du retard à rattraper, nous en rajoutons et perdons notre temps en querelles intestines et inutiles. Les meilleures révolutions, ce sont celles qui échouent.

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17 avril 2012 2 17 /04 /avril /2012 08:06

 « De temps en temps les hommes tombent sur la vérité.

La plupart se relèvent comme si de rien n'était »

 

Winston CHURCHILL (1874-1965) – Ancien Premier ministre britannique et sûr et certain

 

 

Cela fait déjà dix ans mais on s'en souvient comme si c'était avant-hier. La campagne présidentielle de 2002 s'était jouée sur le thème de l'insécurité et avait ruiné toutes les chances du 1er ministre Lionel Jospin pour mieux redonner sa chance au 1er monsieur Jacques Chirac. Qu'importe que Jean-Marie Le Pen ait tiré les marrons du feu de cette campagne basée sur la peur. L'insécurité est avant tout un sentiment qui hante l'imagination des petits vieux, et la diffusion de reportages à deux jours des élections a toujours de l'impact. C'est vrai de l'insécurité comme de l'environnement ou de la fraude sociale.

 

Le fait que cette sale campagne ait parlé d'insécurité et non de sécurité révélait déjà le nom du perdant. Depuis les polémiques ont enflé sur l'évolution des statistiques, que tout le monde manipule allègrement. Nicolas Sarkozy était ministre de l'intérieur de 2002 à 2007, et en tant que premier flic de France, il avait la lourde tâche de remettre de l'ordre dans la rue. En 2007 quand il fut élu président de la république, personne n'avait utilisé son bilan pour le plomber. Seule une émeute à la Gare du Nord avait eu le mauvais goût de mettre la pagaille. Or en 2012 alors qu'il faut le réélire, c'est tout d'un coup devenu un boulet.

 

Martine Aubry a fait de Marseille et de ses gangs inarrêtables le symbole de l'échec de la politique de sécurité du président. La gauche a ainsi bien dénoncé la suppression de la police de proximité, qui comme les commerces du même nom rendent la monnaie et un service plus proche du client. Ils font copain-copain avec les voyous en pensant - les naïfs - les raisonner et les empêcher de faire du mal. Ce n'est pas « Deux flics à Miami » mais « Deux flics ami-ami ».

 

Et pendant ce temps, la Cour de comptes par la voix de son très impartial 1er président Didier Migaud tire à boulets rouges sur le bilan insécuritaire du 6ème président, avec comme prévu des critères comptables absurdes qui vous font désespérer de rencontrer de la subtilité dans ce bas monde.

 

Mais il l'a bien cherché. Non content de présenter une copie passable et de n'avoir rien nettoyé du tout au Karcher, il a rajouté à la mauvaise foi la manipulation des chiffres. L'insécurité a baissé car le nombre de plaintes enregistrées s'est soudain effondré. Le taux d'élucidation s'est amélioré car nos inspecteurs à bavette et à bavures ne se sont saisis que des affaires les plus faciles. Le fait que le PS de Rebsamen et Urvoas, deux rêves pour un seul lit à la Place Beauvau, ait encore plus trafiqué les chiffres n'excuse rien. On ne conduit pas une voiture le nez rivé sur le compteur mais en regardant la route.

 

En parlant de voitures, il faut bien sûr aussi parler de sécurité routière, où le temps n'est plus à la prévention comme il y a quinze ans mais à la répression et à la tolérance zéro. Là encore les chiffres sont obscurs et facilement manipulables. La France est passée sous la barre des 4000 morts par an (4000 morts de trop) et elle a connu en février le mois le moins meurtrier de toute sa vie, en tout cas depuis que ces fichues statistiques existent. Mais 2011 fut une année mauvaise et un petit cru pour le gouvernement, à peine relevé par la moindre fréquentation de nos chemins de traverse à cause de la crise.

 

Boire ou conduire, il faut choisir, mais les mentalités ont du mal à changer. Les camionneurs font une fixette sur les radars fixes placés en sortie de virage alors qu'ils n'ont juste qu'à ne pas dépasser les limitations de vitesse. Les jeunes prennent le problème de l'alcool au volant les soirs de cuite par dessus la jambe. Les clips sanglants ne choquent plus personne. Les chauffards qui prennent l'autoroute à contre-sens ou les parisiens agressifs sur le périphérique seraient pourtant les meilleurs révulsifs, car on ne s'identifie jamais aux mauvais exemples.

 

Mais ce qui désormais préoccupe le plus les français, c'est bien le terrorisme. L'affaire Merah a réveillé les vieilles craintes nées des attentats du vol 772 UTA et du quartier Saint Michel, et la réaction indiscrète du président-candidat n'a rien fait pour apaiser l'angoisse de la bombe islamique. La France a de nouveau peur, mais cette fois on a changé de catégorie : on ne craint plus le petit délinquant, mais l'homme qui venait de loin en croisade pour jouer les terreurs et la semer un peu partout.

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16 avril 2012 1 16 /04 /avril /2012 10:52

 « La guerre est une affaire trop sérieuse pour la confier à des militaires »

 

Georges CLEMENCEAU (1841-1929) – Homme d'État français et affaire courante à régler

 

 

La France est un pays qui compte dans le concert international. Sans être une rock star, elle est écoutée quand elle donne son avis sur le monde. Elle a son siège permanent au conseil de sécurité de l'ONU et semble invulnérable à perpétuité grâce à la bombe atomique. Mais la France n'est plus assez puissante pour imposer ses vues toute seule, enfoncée avec l'Europe dans un déclin inexorable. Là où jadis elle dessinait les cartes à grands coups de règles, aujourd'hui elle n'a plus qu'un avis consultatif dans les conciliabules des grands de ce monde.

 

C'est pourquoi les gesticulations du président attirent autant l'attention. Pour jouer une catégorie au-dessus comme au temps de la grandeur gaullienne, Nicolas Sarkozy utilise avec succès les mêmes recettes qui lui ont apporté tant d'échecs en politique domestique : il court partout et trépigne. Il est actif et prend l'initiative, de là les plus grands succès de la diplomatie française de ces dernières années comme la relance de l'Europe avant la crise, la résolution du dossier géorgien ou les avancées du G20 sur la finance mondiale. C'est au contraire quand il a été attentiste comme lors de la révolution tunisienne qu'il a essuyé ses pires revers.

 

Et comme souvent la France a alors repris le dessus grâce à l'orgueil et à sa volonté de prouver à la terre entière son ambition universelle et messianique. D'où l'intervention en Libye, sûrement le plus grand succès du quinquennat sarkozyste en politique étrangère. La côte d'amour de la France en a pris un coup de cœur, même si l'intention n'était pas forcément si sincère. Cela explique aussi le retour surprenant dans le commandement intégré de l'OTAN. De Gaulle n'aurait pas renié.

 

Or depuis son départ des affaires la vision française des affaires étrangères n'a cessé d'être étrange. Normalement, un pays qui veut compter sur la scène internationale se doit de garder toujours les mêmes positions sur un dossier. Un gouvernement ne porte pas sa bonne parole mais celle de la France, et les luttes partisanes ont peu à voir là-dedans. La droite et la gauche ont voté ensemble les déclarations de guerre (Golfe, Afghanistan) et les traités européens (Maastricht, Lisbonne). Le parlement réclame son droit de regard sur les choix de l'exécutif dans l'usage de la force, or tout le monde est d'accord.

 

Pourtant les positions de la France sont de plus en plus incertaines. Elle va renégocier le MES alors qu'elle vient de le signer, elle tergiverse à partir d'Afghanistan alors que ses alliées voudraient qu'elle reste, et elle part en croisade en Syrie sans ménager son partenaire russe. Elle veut déclarer la paix à la terre entière et faire de la défense sa meilleure attaque. Or elle n'a plus les budgets pour s'acheter des joujoux et les pacifistes se demandent pourquoi on ne consacre pas tout ce pognon à aider les chômeurs et les sans-abris.

 

La France perd de la voix et recule de plusieurs rangs car elle n'a plus une vision claire de sa place et de sa vocation dans le monde. Elle n'a aucun avis sur le réchauffement climatique, la lutte contre le terrorisme ou le conflit israélo-palestinien. Elle n'a aucune continuité dans sa politique africaine où la Chine lui dame le pion et aucune cohérence dans sa politique méditerranéenne où les unions s'ajoutent sans que l'on ne parvienne à un mariage. Sa politique européenne est sans âme, à la fois fédérale et intergouvernementale, allemande et anglaise, brouillonne et mollassonne, vantarde et flemmarde.

 

Le Quai d'Orsay a accueilli des hôtes de qualité comme Roland Dumas, Hubert Védrine ou Alain Juppé, mais cela n'a rien changé. Il y a eu du laisser-aller dans la gestion des affaires courantes et galopantes du reste du monde. La France a mal géré le tournant de la fin de la Guerre froide par excès d'angélisme. Elle s'est mis à dos le monde arabe par excès d'arrogance. Elle s'est battue pour rien sur le dossier irakien par excès d'individualisme.

 

Maintenant la parole est à la défense. Non pas tant à nos secrétaires d'État à la défense, qui auront peu pris note de ces critiques. Mais à notre armée, seule capable d'assurer la continuité de la position de la France dans le monde. Les militaires sont une des rares catégories à rester obéissante et responsable. Ils nous défendront et nous représenteront dans le monde pour nous faire honneur. Et mourront sur son champ.

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