« Le temps travaille toujours contre ceux qui pensent le maîtriser »
Nicolas SARKOZY (1955) – Président de la République et jamais en retard
Bizarre, ce début de campagne. Où un seul candidat, François Hollande, colonise tout le champ médiatique laissé libre par ses adversaires. Où le tenant du titre, Nicolas Sarkozy, fait durer un vrai faux-suspense sur son envie de repartir au combat. « Drôle de campagne » en définitive, où l’on est en guerre contre l’autre sans vraiment se l’être encore déclarée.
La déclaration de campagne de Sarkozy, justement : certains l’attendent et d’autres vont même jusqu’à l’exiger pour l’équité de la campagne. Il est en effet injuste que le président puisse user de sa parole officielle sans qu’elle ne soit décomptée de son temps de parole de futur candidat. D’où les dernières dispositions du CSA, que chacun jugera ou non pertinentes. Surtout, il est injuste que le président continue à faire financer ses déplacements au frais de la princesse sans qu’ils ne soient comptabilisés dans ses futurs comptes de campagne.
Mais l’enjeu principal de cette déclaration de candidature est ailleurs. Voila plusieurs jours que François Hollande est seul à faire campagne sur le terrain et dans les médias. Certes ses propositions sont du coup les seules à être exposées au feu des critiques, mais il peut ainsi imposer ses thèmes de campagne. Et les piques de l’UMP, que Nicolas Sarkozy n’a donc pas encore à délivrer lui-même, ont eu peu d’effet contre lui.
Le candidat socialiste aura donc vécu un mois de janvier plutôt tranquille. L’absence de débat projet contre projet lui a même permis de prendre un avantage décisif sur son adversaire, or on sait d’expérience que les intentions de vote se cristallisent traditionnellement fin janvier ou début février. En répondant férocement au discours du Bourget, la droite a souligné bien involontairement qu’elle a perdu la main et qu’elle n’est plus que dans la réaction.
Rappelons que l’une des bases de la victoire de Nicolas Sarkozy en 2007 fut sa capacité à maîtriser l’agenda et à imposer ses thèmes de campagne : le pouvoir d’achat, l’identité nationale, le « travailler plus pour gagner plus »… Cette année, rien de tout cela. Il semble toujours avoir un train de retard et être à la remorque du candidat socialiste. Et à force d’être toujours en retard d’une idée, il finira forcément par arriver en retard au rendez-vous du 6 mai.
Dans une déclaration de candidature, le moment compte beaucoup. Il y a les adeptes de la course de lenteur, comme Jacques Chirac et Lionel Jospin en 2002 (qui s’étaient déclarés respectivement le 11 et le 20 février). C’est la tactique de François Mitterrand en 1988, qui ne s’était déclaré que le 22 mars et que Nicolas Sarkozy compte imiter pour montrer qu’il sera « président jusqu’au bout ». Mais cette stratégie ne marche que si c’est le président sortant qui a de l’avance dans les sondages, tout le contraire de ce qui se passe aujourd’hui.
Alors pour rattraper le coup il y a la forme. Exemple à ne pas suivre : Edouard Balladur, alors soutenu par Nicolas Sarkozy, qui se déclare candidat en 1995 depuis les dorures de Matignon dans un style trop solennel. Bons élèves au contraire : Mitterrand en 1988 lors d’une interview télévisée avec des journalistes (que Nicolas Sarkozy serait bien inspiré d’imiter ce dimanche) ou Chirac en 2002 lors d’une visite présidentielle en Avignon. Le but, c’est de tomber à pic… avec le risque que tout tombe à l’eau.