« Une fois que l’on a dépassé les bornes, il n’y a plus de limites »
Alphonse ALLAIS (1854-1905) – Humoriste français et comique de répétition
Tous les sondages le montrent, une partie importante du corps électoral rejette Nicolas Sarkozy. En tout cas assez pour compromettre sa réélection. Le taux de popularité très bas du président et la faible adhésion aux réformes qu’il a engagées en politique intérieure en sont la cause. Pourtant, le sentiment sur son bilan en politique extérieure est beaucoup plus favorable.
Il faut reconnaitre que par son volontarisme il a su récolter quelques succès hors de nos frontières : la présidence française de l’Union européenne, la gestion de la crise en Géorgie, l’intervention militaire en Libye... Même si cela ne doit pas faire oublier certains vrais échecs comme la passivité devant la révolution tunisienne, les négociations stériles avec l’Allemagne sur le dossier grec, les différends diplomatiques avec la Chine, le Mexique ou la Turquie…
Passons. Comme beaucoup de présidents avant lui, Nicolas Sarkozy a inexplicablement été beaucoup plus crédible à l’export que sur le marché domestique, où la critique est toujours plus forte. Jacques Chirac était dans le même cas, fort face à l’invasion des Etats-Unis sur l’Irak en 2003 et faible face aux émeutes de banlieues en 2005. Nul n’est prophète en son pays.
Le rôle de président fascine. Commander in chief à l’américaine, il représente la France à l’étranger. C’est pourquoi on vérifie toujours inconsciemment le physique d’un candidat avant de voter pour lui. Il est le chef des armées et seul son index peut presser le bouton nucléaire. Il est président sans frontières, s’occupant à la fois de politique intérieure et de politique extérieure, le « domaine réservé » délimité par De Gaulle au début de la Vème République.
Un président qui s’affaire aux affaires étrangères en ressort toujours grandi, peut-être parce qu’elles sont trop étrangères au peuple de la rue pour qu’il ne la critique avec autant d’arguments que la politique interne. Pour reprendre la main sur son 1er ministre Michel Rocard, François Mitterrand utilisât habilement durant la 1ère Guerre du Golfe sa position de chef de guerre. Mais l’avait-il vraiment perdue ? Les vieux singes gardent toujours le doigté.
A ce jeu, Nicolas Sarkozy a oublié d’enlever ses moufles. Son intuition de « faire plus président » était la bonne. On se rappelle de son attitude digne sous la pluie lors de l’hommage militaire aux sept soldats morts en Afghanistan en juillet dernier. On l’a vu mettre à profit ses meetings internationaux du G20 et ses interviews communes avec les grands de ce monde pour renforcer sa légitimité de président. Etre président sans frontières aurait pu être la clé du succès.
Mais il n’a certainement pas retenu les leçons de ses pairs. Si De Gaulle avait fait de la politique extérieure son domaine réservé, c’était pour s’y consacrer exclusivement et délaisser la politique intérieure, cette « intendance » qui n’était pas son fort, à son 1er ministre Georges Pompidou. Si Napoléon refusait d’une femme qu’on « la somme », c’était parce qu’il ne captait pas toutes les finesses du jargon juridique. Même les plus grands ne sont pas forts en tout.
Nicolas Sarkozy lui a voulu être tout à la fois : président de la république, 1er ministre, ministre, mais aussi préfet et chef de service… Hyperprésident quoi. Au risque de n’être rien du tout. Il aurait pu valoriser son bilan de politique extérieure et espérer une réélection s’il avait d’entrée reconnu avoir quelques points faibles, manière habile de souligner ses points forts.
Au lieu de ça, il a tenté de nous faire croire qu’il était Superman. Et pendant ce temps-là, on se bidonnait devant des vidéos de « comiques » étrangers le tournant en dérision.