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27 décembre 2012 4 27 /12 /décembre /2012 23:17

« Elever très haut le débat est une façon élégante de le perdre de vue »

 

Grégoire LACROIX (1933) – Ecrivain français et levant la tête

 

 

En cette période de fêtes, une récréation ne sera pas de trop pour se changer des bêtises qu’on nous passe à la télévision. Pour continuer à décrypter l’actualité à travers le passé, voici un petit florilège de ces débats qui ont fait débat et qui ont fait l’histoire. Avec un plan en trois parties pour ceux qui aiment les idées claires : le haut débat, le bas débat et le moyen débat.

 

Le haut débat, c’est le débat Giscard-Mitterrand de 1974. Ou bien le débat Mitterrand-Giscard de 1981, puisqu’il s’agit d’un match aller-retour. C’est le symbole du duel gauche-droite et le duo le plus connu de l’histoire. En 1974, Valéry Giscard d’Estaing gagne grâce au « Vous n’avez pas le monopole du cœur ». En 1981, François Mitterrand se venge avec « l’homme du passif ». Déjà des petites phrases. Ces deux-là ont essuyé les plâtres. A l’époque, on ne savait pas que le hors-champ et les réactions de celui qui ne parle pas faisaient aussi mal que les mots.

 

C’était un débat qui volait haut, mais sans doute est-ce dû aux lunettes. Le langage parlé n’avait d’égal que le respect que se devaient les deux adversaires. Quoique pas toujours. Le duel Marchais-Chirac de 1971 fut dur pour le jeune loup qui ne s’en remettrait que bien des années plus tard en 1985 lors du débat Chirac-Fabius. Le « roquet » qui se prenait pour le 1er ministre n’aura jamais compris la leçon, échouant encore par excès de suffisance en 2012 lors du match Fabius-Sarkozy. Le débat, c’est avant tout un combat où on ne fait aucun cadeau à l’adversaire.

 

Le bas débat, c’est le débat Mitterrand-Chirac de 1988. Une partie où le pugilat l’a vite emporté sur l’échange et où la haine a battu par forfait le respect. Mais c’est le socialiste qui l’a emporté haut la main, avec son fameux « Vous avez tout à fait raison, monsieur le 1er ministre ». Les deux se calmeront par la suite. Le débat Mitterrand-Séguin de 1992 sera un non-match tant l’estime fut réciproque et le débat Chirac-Jospin de 1995 sera un match nul tant il n’y eut rien à en dire. Une sorte de plate rencontre Royal-Bayrou ou de faux choc Copé-Fillon avant l’heure.

 

Ce fut un débat où les coups volèrent bas, or c’est le moyen le plus inefficace de gagner. Il ne faut pas rentrer directement dans le lard de son adversaire pour le battre, mais l’esquiver et attendre sa faute. C’est comme cela qu’il aurait été possible de battre Jean-Marie Le Pen, que personne n’a jamais osé affronter. A moins qu’il y en ait un qui soit capable de tout. En janvier, Alain Juppé a perdu contre François Hollande parce qu’il lui a demandé ce qu’il ferait une fois élu. En mars, Jean-François Copé a gagné parce qu’il lui a dit ce qu’il aurait raté s’il avait gagné.

 

Le moyen débat, c’est le débat Hollande-Sarkozy de 2012. Une lutte de haute volée de l’avis unanime, mais où certaines joutes ont volé bas. Comme quand Nicolas Sarkozy a accusé systématiquement son rival de mentir et comme quand François Hollande a fui une fois de trop ses responsabilités sur l’affaire - les affaires - DSK. Ce dernier a réussi son coup avec l’anaphore « Moi président de la république » et les promesses suivantes là où d’autres firent des phrases. Mais le premier aurait pu répondre par « Moi président de la république » et vanter son bilan.

 

La loi du juste milieu emporte tout et on ne refera pas l’histoire. Pas plus que ces débats dont on ne sait pas s’ils sont utiles ou futiles après les avoir vus. Le duel Royal-Sarkozy de 2007, un vrai faux débat d’idées. Le combat Tapie-Le Pen de 1994, un vrai match de catch tant le résultat était pipé avant même de débuter. L’incartade Bayrou-Cohn-Bendit de 2009, un faux procès improvisé à l’improviste. Le pire de tout étant le débat collectif, comme le firent les socialistes à la primaire en experts de la partouse. Il ne pouvait rien en sortir de bon ni de vrai.

 

Les pires ennemis du débatteur sont le stress et le strass. Or la pression c’est avant tout celle qu’on se met : elle n’est pas ailleurs que dans la bière ou dans les pneus. Et la presse sait très bien toute seule ce qu’elle veut dire : elle n’est ni influençable ni influente. Le débatteur qui marque des points et les esprits, c’est celui dont on retient une phrase. Petit conseil : le meilleur moyen de faire retenir une phrase, c’est de la répéter. Après les figures de style en anaphore, pourquoi ne pas user d’une phrase récurrente qui soit à la fois un gimmick et un leitmotiv ?

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commentaires

A
La vidéo est un régal ! Merci pour cet article.
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