« Economiser, non. Ne rien dépenser, oui »
Jules RENARD (1864-1910) - Ecrivain français et poupée qui fait non
Angela Merkel est un extincteur. Elle douche toute embellie d’enthousiasme si l’Europe croit sortir de la crise. Comme avec sa manie d’annoncer à chaque conseil européen qu’il n’en ressortira rien. Le 19 juillet 2011 : « Le sommet de la zone euro de jeudi ne donnera pas de résultat spectaculaire ». Le 15 août 2011 : « Il ne faut rien attendre de spectaculaire du sommet européen de cette semaine ». Le 23 mai 2012 : « Il n’y a aucune décision à attendre du conseil européen de ce mercredi ». Le 27 juin 2012 : « Je ne me fais pas d’illusion pour le sommet européen de vendredi ». Dommage qu’elle n’éteigne pas l’incendie de la dette avec.
La chancelière allemande est la nouvelle Margaret Thatcher, en dame de fer qui dit non au nom des intérêts de son pays. Elle ne veut ni relance, ni inflation et ni endettement. C’est pourquoi elle refuse la mutualisation des budgets nationaux et la levée d’un emprunt de la BCE. Mais la mûre de Berlin a des failles et le mur de Berlin qu’elle a érigé tombe. François Hollande, d’ordinaire si mou, a même arraché 120 milliards d’euros à jeter par les fenêtres.
Angela Merkel n’a pas la force de conviction de l’ancienne 1ère ministre britannique. Elle se laisse au contraire facilement convaincre et derrière une apparente rigueur toute allemande change étonnamment d’avis en fonction des circonstances. Mais toujours en retard. Il ne faut pas chercher ailleurs la lenteur de l’aide à la Grèce, le retard pris en Espagne et la passivité sur le dossier de la Libye. C’est pourquoi elle enchaine les échecs électoraux dans les Länders et craint l’échéance de sa réélection en 2013. A moins que d’ici là nous ne soyons tous morts.
Le Merkozy a vécu. Elle fait figure de grand-mère de l’Europe comme la reine Victoria puisqu’elle a été élue en 2005. Elle incarnait alors le renouveau de la démocratie-chrétienne allemande. Huit ans après le départ de l’historique Helmut Kohl, elle redonnait le pouvoir à la CDU en battant d’extrême justesse le social-démocrate Gerhard Schröder. Celui-ci avait lancé un grand plan pour restaurer la compétitivité et la croissance. Elle s’est contentée de suivre.
C’est un leader qui n’indique pas le cap. Comme tous les dirigeants contemporains, elle n’a d’opinion sur rien et encore moins de dogme. Elle est pragmatique, mais reste accrochée à la réalité de la veille alors qu’elle devrait davantage s’adapter aux changements qui frappent l’Europe et le monde en ce moment. Elle n’aura pas vraiment été à la hauteur et l’histoire retiendra d’elle qu’elle a dit non à l’Europe du sud qui avait absolument besoin d’aide.
Les agressions diplomatiques du ministre des finances Wolgang Schäuble contre la Grèce ont un temps attiré la sympathie de Bild. Mais elle est en train de perdre la bataille de l’opinion et de grimper à toute vitesse vers les sommets de l’impopularité. Elle avait pourtant été réélue triomphalement en 2009 dans un pays qui au contraire de la France est magnanime et conciliant avec ses dirigeants. Elle a changé son style de femme austère et neurasthénique, brillante et dévouée fonctionnaire de l’ex RDA. Elle a changé de coiffure par rapport à son apparition dans « Les Aventures de Rabbi Jacob » et montré son décolleté pour faire vomir.
La femme qui faisait ses courses toute seule et qui n’aimait pas les papouilles de Nicolas Sarkozy devrait perdre comme les autres après José Socrates au Portugal, Georges Papandreou en Grèce, Gordon Brown en Grande-Bretagne, Silvio Berlusconi en Italie, José Luis Rodriguez Zapatero en Espagne et Nicolas Sarkozy en France. Il n’est pas sûr que la crise en soit la cause : le règne des dirigeants du monde se limite de plus en plus à 8 ans. De rares exceptions font durer le plaisir et reviennent quelque soit le pouvoir ou l’époque entre deux épisodes calmes.
Ce renouvellement des têtes politiques est le drame de l’Europe, qui perd sa dynamique à chaque changement de gouvernement. C’est l’ennui de l’Europe intergouvernementale mais l’Europe fédérale ne plaît pas. La solution intermédiaire de l’Europe bureaucrate en serait presque séduisante, mais il faudrait d’autres leaders qu’Herman Von Rompuy et José Manuel Durao Barroso pour en mener les institutions. A moins qu’Angela Merkel ne dise encore non.