« Il vaut mieux suivre le bon chemin en boitant que le mauvais d’un pas ferme »
Saint AUGUSTIN (354-430) – Philosophe latin et pari de Pascal
Celui qui n’a jamais rien tenté n’a jamais rien réussi d’extraordinaire. Xavier Bertrand le sait, et il s’est lancé dans un drôle de pari alors que commence la guerre des chefs : ne pas se présenter à la présidence de l’UMP et se déclarer dès à présent candidat à la primaire du parti pour les élections présidentielles de 2017. Rien ne pouvait déranger le duel sans merci que vont se livrer Jean-François Copé et François Fillon. Alors les sous-chefs de la droite patientent.
Bruno Le Maire, Nathalie Kosciusko-Morizet et Henri Guaino ont montré leur tête en espérant prendre de l’avance sur Laurent Wauquiez, Valérie Pécresse et Christian Estrosi. Ils seront en service commandé pour un candidat pour peser ensuite sur les affaires du parti. Tous les ralliés qui veulent une place vont vers François Fillon, au risque que la valeur d’un soutien à l’ex 1er ministre ne se démonétise. Tous les militants suivent la campagne de terrain pugnace de Jean-François Copé, qui profite d’être secrétaire général pour cumuler le plus de parrainages.
Il est bon que les règles d’inscription à la bataille des idées de la droite soient strictes. En fixant un nombre excessivement élevé de signatures pour pouvoir concourir, les statuts du parti ont excellemment permis que la compétition se limite à deux candidats. C’est heureux. L’UMP évite au moins de tomber dans les guignolades du PS qui quand il laisse agir la démocratie organise des congrès portes ouvertes pour élire son 1er secrétaire. Les élections présidentielles devraient s’en inspirer et limiter le nombre de partis au lieu d’abolir la règle des 500 signatures.
Le scrutin s’annonce plus serré que prévu. Xavier Bertrand devrait être extrêmement courtisé et chouchouté pour donner son soutien à l’un des deux finalistes et faire preuve d’un peu plus de courage qu’Alain Juppé qui comme il a l’habitude ne s’exprime pas quand il y a un choix controversé à faire. Il sera tenté d’appeler à voter pour l’un des prétendants pour tester son aura dans le parti. En faisant basculer l’élection, il redeviendrait la clé de voûte de la droite.
Ce serait une grave erreur. Il vendrait sa peau dès le début du quinquennat alors que son intérêt est d’attendre que les choses se passent. Mal pour le gouvernement et mal pour l’opposition, afin de se poser en recours en 2017. L’ancien secrétaire général a assuré qu’il se présenterait même contre Nicolas Sarkozy à qui il doit tout, jusqu’à sa nomination à la tête de l’UMP en 2008. Mais l’ancien président a fait son temps. On le voit déjà préparer son retour du sarcophage à l’aide des derniers sarkophiles. Il serait dans l’intérêt de la droite qu’il se retire.
Xavier Bertrand est bien seul. Contrairement à Jean-François Copé, il n’a pas profité de sa passade à la tête du parti pour se forger un réseau d’élus dévots et dévoués. Comme François Fillon, il est resté enfermé dans les ministères et les ors du pouvoir et a dû jurer fidélité au président. L’ancien ministre de la santé est trop rassurant pour entraîner et trop gentil pour être honnête. Gentil Xavier Bertrand traîne une réputation de faux derche et de courtisan malhabile à la langue râpeuse. Il ne manque que de caractère, celui qui donne vraiment envie de gagner.
Il n’a pas l’instinct du tueur qui permet de mener les grandes carrières. C’est ce qui rend peu crédible sa déclaration de candidature pour 2017 : c’est trop loin et trop sinueux pour ses petites jambes. L’ancien ministre du travail reste sur des échecs. Il a passé la fin du mandat à annoncer à l’avance les mauvais chiffres du chômage avant de passer le relais à Michel Sapin. Il a difficilement été réélu député dans une circonscription picarde qui vire trop à gauche pour qu’il y reste sans danger. Il a perdu contre Christian Jacob au vote pour l’élection du président du groupe UMP à l’assemblée. Cela l’a refroidi avant de se présenter à la présidence de l’UMP.
Son pari est assez rationnel. Il n’a pas le choix : ne pouvant gagner cette année, il mise tout sur l’échéance suivante. C’était l’option de François Hollande lorsqu’il a quitté la tête du PS pour « se préparer » en vue des élections présidentielles. Il s’est fait oublier et a empoché la mise. Ce numéro fait rêver tout le monde. Mais Xavier Bertrand n’aura pas de choix. Entre François Fillon qui le considère « peut-être maçon mais sûrement pas franc » et Jean-François Copé qui le moque en « gentil organisateur », il n’a pas que des amis. Rejoindre l’un de ces deux hommes signerait sa défaite. Il devra donc suivre une troisième voie. Si possible la sienne.