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20 mars 2012 2 20 /03 /mars /2012 07:45

« La parole appartient à moitié à celui qui la donne et à moitié à celui qui la reçoit »

 

Michel de MONTAIGNE (1533-1592) – Ecrivain français et très à l’écoute

 

 

Il n’y a pas de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. On reproche souvent aux hommes politiques de trop privilégier les attaques personnelles sur le dialogue constructif et la polémique gratuite sur le débat de fond. Mais en campagne, discuter avec l’adversaire c’est déjà s’avouer vaincu. Car on n’est détruit que par une force extérieure ou une faiblesse intérieure.

 

Le monde serait pourtant si beau si on s’écoutait les uns les autres. C’est l’idéal de la démocratie participative, où chacun argumente son point de vue et se laisse convaincre par celui des autres. Belle utopie en réalité. Il faut savoir raison garder : lorsqu’on croit avoir raison, c’est qu’il y a une raison. On s’accroche à ses opinions et on refuse de céder devant les autres. Alors imaginez pour un homme politique, dont le métier est de tout savoir et de tout prévoir…

 

La première partie de la campagne a été dominée par un dialogue de sourds entre deux  favoris à la langue bien pendue. Nicolas Sarkozy et François Hollande ont en effet joué au jeu des messages complémentaires et des meetings interposés. C’était à la fois du ping pong et du téléphone arabe : l’un parle, l’autre écoute ; l’un accuse, l’autre récuse. Mais toujours en reformulant à sa manière ce qu’a dit l’autre, d’où des grands moments de mauvaise foi.

 

Comme quand Nicolas Sarkozy utilise une coupure de presse anglaizzze pour traiter François Hollande de gros menteur, alors que comme tout politicien français qui se respecte, il n’est qu’un social-libéral qui s’arrange de temps en temps avec la vérité. « Soyez libéraux, soyez socialistes, mais ne soyez pas menteurs », disait Milton Friedman. Ou soyez les trois à la fois.

 

Les deux hommes s’épient, comme lors de ce meeting de Rouen surréaliste où François Hollande a improvisé en temps réel son discours à mesure que Nicolas Sarkozy se déclarait candidat sur TF1. Ils jouent par séquences intercalées : l’un fait l’actu et a son « bon moment », puis c’est l’autre. Un coup le président surfe sur la TVA sociale, un autre le socialiste plane sur la taxation des riches. Le SarkHollande fait son chaud, mais les médias sont complices.

 

Ils donnent l’impression de beaucoup s’écouter. Ils savent que cette campagne se joue entre eux et que le gagnant de leur duel remportera la mise de ce poker menteur. C’est pourquoi chacun dit l’inverse, fait le contraire et défend l’opposé de l’autre pour mieux s’en démarquer et le démasquer. Sans se renier, car il n’y a qu’au tarot qu’on s’excuse.

 

On a déjà eu traces de tels duels à couteaux tirés, même si certains furent plus tirés par les cheveux. Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand en 1981 dans un combat inégal où David le candidat battait Goliath le président. François Mitterrand et Jacques Chirac en 1988 où la haine entre le vieux lion et le jeune loup n’eut d’égal que le grand écart du résultat final.

 

Lionel Jospin et Jacques Chirac en 2002 où les deux jouaient dans la cour des grands - président et 1er ministre - et au chassé-croisé dans les sondages. Jusqu’à ce que l’un sorte du jeu. Il avait fait l’erreur de s’excuser et d’en reconnaitre une, celle d’avoir traité l’adversaire de vieux débris usé et fatigué, quand ce dernier ne s’était pas privé de le faire quatorze ans plus tôt.

 

En 2007 il n’y avait pas vraiment eu dialogue mais deux monologues intermédiés par les médias. Les deux candidats étaient trop différents : Nicolas Sarkozy était un homme, Ségolène Royal une femme ; lui était favori, elle était là pour décorer. En 2012 il y a match et la survie est en jeu. D’où les attaques perfides mais habiles du président pour faire craquer le favori socialiste et le rendre agressif. Lui ne plonge pas, car il n’aime pas le pugilat. Jusqu’à quand ?

 

En 2017 il faudra ajouter deux apports à ce dialogue de sourds. Ecouter l’autre et ne plus seulement l’entendre. Anticiper ce qu’il va dire, car le meilleur moyen de suivre quelqu’un c’est de le précéder. La politique et la polémique par anticipation, on n’arrête pas le progrès.  

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17 mars 2012 6 17 /03 /mars /2012 09:15

« Je peux dormir sur mes deux oreilles, mon pire ennemi veille sur moi »

 

Clint EASTWOOD (1930) – Acteur américain et la gâchette facile

 

  

 

Une campagne présidentielle, c’est un peu comme un mauvais western. Ça parlote trop et ça ne canarde pas assez. Il y a les méchants et les gentils, les justiciers et les bandits, les shérifs et les chasseurs de prime. Des attitudes de cow boy. Mais il ne faut pas être trop à l’ouest. 

 

Dans les personnages, il y a toujours le bon. François Hollande et François Bayrou se sont dévoués pour tenir le rôle cette année et incarner les forces du bien face au cynisme du président. Ils ne disent rien de méchant et répondent toujours à côté. Pour Hollande, ce n’est pas la réponse qui est molle mais la question qui est trop dure. Pour Bayrou, ce n’est pas la première question qui est imprécise mais il n’y a jamais de deuxième question pour le relancer.

 

Ainsi ils racontent ce qu’ils veulent et jouent les bons samaritains. C’est beau d’avoir le beau rôle. Mais ce n’est pas toujours le meilleur si l’on veut gagner l’Oscar. Jean Lecanuet était le tombeur de ces dames en 1965, Raymond Barre la voix de la sagesse en 1988 et Ségolène Royal la Zapatera en 2007. Aucun n’a gagné le prix du jury. Car l’élection présidentielle n’est pas un concours de beauté où il suffit de faire bonne figure. Il faut inspirer confiance.

 

Il y a ensuite la brute, sans pitié et toujours à tirer dans le tas. Le rôle revient cette année à Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, tels Titi et Grosminet, toujours l’un pour chasser l’autre. Le vote protestataire en 2012 sera comme en 2002 une prime alléchante. L’homme des plaines rouges va dépasser les 10% et la schtroumpfette bleue devrait tutoyer les 20%. Record historique au FN où Jean-Marie le père, authentique brutasse, a longtemps tenu le premier rôle.

 

La brute, c’est le méchant utile. La politique n’étant pas le monde des bisounours, on vote aussi pour le grand méchant loup, de Georges Marchais à Olivier Besancenot. Il est pétri de bon sens et joue les Monsieur Je-sais-tout. Il a les réponses, posez-lui les questions. Au risque de tout simplifier et de faire passer les hommes politiques du système, bonnets d’ânes et ânes benêts, pour des demeurés. Tout le monde n’a pas la chance d’être aussi intelligent.

 

Enfin il y a le truand. Le voyou de la république, c’est du moins le nom à peine excessif qu’à trouvé Marianne pour faire sa « une » hebdomadaire sur Nicolas Sarkozy. On voudrait lui passer la corde au cou après qu’il ait bien profité du Fouquet’s et du yacht de Bolloré. Il revient sans honte se présenter au saloon pour prendre sa raclée. Il y a un problème, il est la solution. Or il est le problème, et il pourrait aller en prison sans passer par la case d’un nouveau départ.

 

Il n’est pas le premier président à arriver devant les urnes avec une tête pas très tibulaire et en donnant l’impression qu’elle est mise à prix. Valéry Giscard d’Estaing en 1981, François Mitterrand en 1988 et Jacques Chirac en 2002 paraissaient eux aussi condamnés d’avance. Ils n’ont pas tous perdu la face. Mais on s’interroge sur ce président qui regrette à peine ses délits.

 

Le point commun du bon, de la brute et du truand, c’est qu’ils ne répondent pas à nos inquiétudes. Là où on attend d’un président qu’il cherche à comprendre les questions avant de donner des bonnes réponses, on a assisté à une gestion du pouvoir brouillonne et gesticulatoire. A l’image de cette campagne, où règne le bla-bla et assez peu le débat de fond. On le touche quand le débat tourne à l’invective, à la mauvaise foi et à la critique systématique de l’adversaire.

 

Qu’ils soient le bon, la brute ou le truand, nos hommes politiques ne sont pas exemplaires. De Hollande et Bayrou, il faut faire ce qu’ils disent mais pas ce qu’ils font. De Mélenchon et Le Pen, il faut écouter ce qu’ils disent mais ils ne feront jamais. De Sarkozy, il faut regarder ce qu’il fait, et faire le contraire. A quand un président qui se contentera de faire ce qu’il dit et de dire ce qu’il fait. Peut-être quand on aura arrêté de faire autant de cinéma…

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10 mars 2012 6 10 /03 /mars /2012 08:57

« L'Europe n'est plus qu'une expression géographique »

 

Otto Von BISMARCK (1815-1898) – Ancien chancelier allemand et peu europhile

 

 

Profitons que la campagne s’épanche sur le thème passionnant de la viande halal pour parler d’un sujet un peu barbant : l’Europe. Il est vrai que l’Europe fait peu vibrer les candidats et les foules en période électorale, alors qu’au contraire il génère les chants les plus lyriques de nos responsables politiques en période creuse. Qu’importe, on tombe quand même dans le panneau. L'Union européenne est un vieux rêve, et on en a tous un peu besoin en ce moment.

 

Mais apparemment pas trop. En tout cas à voir le peu de débat que suscite la question durant les campagnes présidentielles. Lors du débat d’entre-deux-tours de 2007 entre Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy, beaucoup s’étaient émus que les deux candidats n’aient pas livré « leur vision sur l’Europe », mais peu étaient allés jusqu’à chialer pour ça. La question est importante, mais là n'est pas la question.

 

Le problème avec l’Europe, c’est que c’est devenu un objet de discussion tellement consensuel qu’il a finit par ne plus cliver, en tout cas chez les candidats principaux. Car si tout présidentiable qui se respecte doit embrasser la cause européenne, il est préférable pour les candidats secondaires de revendiquer leur europhobie pour gagner des points.

 

Des souverainistes de droite (De Villiers) aux souverainistes de gauche (Chevènement), des eurosceptiques de droite (Le Pen) aux eurosceptiques de gauche (Mélenchon), la formule fait recette. Il y en a même qui ont cru bâtir leur route et battre leur sentier vers l’Elysée sur ça, comme Laurent Fabius quand il avait soutenu le non au référendum de 2005. Grave erreur.

 

En fait il faut faire l’inverse. Car l’Europe est devenu le destin de la France, et même si ce n’est pas vrai, tout le monde le croit. Les candidats sérieux n’ont donc pas le choix : ils doivent déclarer leur amour pour l’Europe. Bien que modérément séduit, Nicolas Sarkozy le fit en 2007 en faisant adopter le Traité de Lisbonne. Idem pour Jacques Chirac, qui jadis pestait contre le parti de l'étranger et qui a finit par incarner le mieux la mièvrerie europhile.

 

On est loin des vrais amoureux qu’étaient François Mitterrand et Valéry Giscard d’Estaing. Ils ont fait vivre l’Europe et le couple franco-allemand, véritable moteur pour faire des grandes choses mais aujourd'hui un peu en panne. Les priorités ont changé. Et les français ne s’y intéressent pas assez pour en faire leur principal critère d’élection et d’évaluation des candidats. Ils sont courageux, mais pas téméraires ; européens, mais pas européistes.

 

Comme disait De Gaulle, il ne suffit pas de crier « L’Europe, l’Europe » en sautant sur sa chaise pour que les choses avancent. L’amour du drapeau bleu, soigneusement rangé ou caché selon les occasions à côté de l’étendard tricolore, n’y change rien. Plus que des chants d’amour ou du consensus, il faut des actes. Or, l’Europe n’est aujourd’hui aux yeux des français qu’une bureaucratie tatillonne éprise de concurrence qui n’a ni direction politique ni capacité d’action. Le fiasco de la crise grecque l’a bien prouvé.

 

Ceci explique pourquoi le Modem arrive si peu à surfer électoralement sur son profil de parti démocrate-chrétien européiste. « Prenez le parti de l'Europe », dirait François Bayrou. « L'Europe est mal partie », répondront les français. En fait ils sont restés fidèles à la vision gaullienne d’origine, celle d’une Europe des Etats, où ce sont les chefs de gouvernement nationaux réunis en conseils européens qui règlent tout et qui a repris la main avec la crise.

 

Pas d’une Europe fédérale qui recopie ses anciens textes et revoit trop souvent sa copie. Pourtant, la France devra prendre conscience que de par sa position centrale sur le continent, l’Europe est sa dernière chance de figurer honorablement dans le concert international. Il suffit de lire une carte. Un peu. 

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  • : La politique est toujours en campagne, CARBONE 12 aussi ! Lancé à 100 jours du 2e tour des élections présidentielles de 2012 pour redonner de la hauteur à un débat qui volait bas, EN RASE CAMPAGNE est un blog qui commente la vie politique française.
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Projet de loi de finances : se serrer la ceinture ou baisser son froc devant Bruxelles, telle est la question. 

 

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Poisson d'avril de Ségolène Royal : les autoroutes gratuites le week end. Mais qui peut contrôler ce qui se passe dans son cerveau ? 

 

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Entre deux meetings, Nicolas Sarkozy recommence ses conférences grassement payées à l'étranger. Cela pourrait le desservir. 

 

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