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13 avril 2012 5 13 /04 /avril /2012 17:32

« Le gouvernement populaire n'existe pas. Gouverner c'est mécontenter »

 

Anatole FRANCE (1844-1924) – Écrivain français et critique téméraire

 

 

La campagne fait rage et les candidats donnent la bonne parole. Promis, le lendemain ne ressemblera pas à la veille et le nouveau gouvernement fera cette fois les choses à l'endroit pour de vrai. C'est pourquoi les candidats les plus responsables et les prétendants les plus prétentieux promettent qu'une fois président ils gouverneront pour l'intérêt général et le destin de la France. On pense à François Bayrou, postulant de postures, prompt à fustiger la vue basse du président sortant et à vanter sa capacité à agir de manière posée. Et pour cause, il n'a encore rien fait.

 

Chaque élection présidentielle remet à l'ordre du jour et au goût du jour la mythologie de l'homme d'État, doté d'une vision à long terme de l'avenir du pays et qui demande au peuple de le suivre plutôt qu'il ne le suit. En 1981 Valéry Giscard d'Estaing prévenait les français contre la politique de l'illusion des socialistes. En 1988 Raymond Barre incarnait cette tiédeur aussi efficace pour rassembler qu'inutile pour gagner. Car le bon sens et la bonne gestion, même louables, ne font pas gagner des élections. Il faut un supplément d'âme, et un peu de vice.

 

Surtout, la vision de l'homme d'État fait peu recette car tout le monde sait que ce n'est qu'un mythe. Personne n'est dupe : les hommes politiques qui nous gouvernent font ce métier pour gagner des élections plus que pour changer la réalité, recueillir des louanges plus que pour faire du bon travail, conquérir le pouvoir plus que pour l'exercer. L'ambiance grisante des campagnes suffit à leur bonheur de narcisses nombrilistes, et ils préfèrent de loin être admirés pour ce qu'ils sont que pour ce qu'ils font. Alors pour la réforme gouvernementale et la haute politique, on peut oublier.

 

C'est pourquoi à défaut de savoir-faire ils compensent par le faire-savoir. Ils ne font rien mais ils s'y mettent, et c'est ce qu'ils font de mieux. Ils se targuent d'être courageux et de prendre des décisions impopulaires or ils n'arrêtent pas de prendre des pincettes. A l'image de Nicolas Sarkozy, qui prône l'austérité sans la rigueur, de gagner plus sans travailler plus, ou de redessiner la carte des collectivités territoriales sans faire de morts. Il est davantage dans l'apparence que dans la substance et a bien compris que dire c'est faire. Annoncer un projet, c'est montrer qu'on s'occupe des problèmes et qu'on les a déjà réglés, alors que c'est seulement mieux repousser au lendemain ce que l'on ne peut pas faire le jour-même.

 

Les hommes qui nous dirigent prétendent mener le peuple à la baguette or ils ont peur de ses retours de bâton. Le François Mitterrand triomphant de 1981 est mort dans la rue en 1984 lors des grèves contre le projet de loi Savary. Le Jacques Chirac gagnant de 1995 est devenu un loser dès l'automne avec les manifestations contre la réforme des régimes spéciaux de retraite. Alors les hommes politiques se méfient du peuple comme ne l'eau qui dort et ne veulent pas se mouiller ni faire de vague. Ils trempent à peine les pieds dans les sujets qui fâchent et ne les mettent jamais dans le plat. Ils pratiquent la politique du doigt mouillé qui génère tant d'incompréhension chez ces français dont ils voudraient tant être compris.

 

Ils fléchissent et réagissent plus qu'ils ne réfléchissent et agissent. Ils se lancent des fleurs, font s'apitoyer les pleureuses sur leur sacerdoce et se disent les premiers serviteurs de l'État. Mais ils gouvernent mal et pour leur intérêt particulier quand ce n'est pas dans le désintérêt le plus complet de leur fonction. A force de vouloir ménager les français, ils ont perdu l'ambition de gouverner un peu mieux. Au lieu de débattre, décider et dire la même chose, de reconnaître leurs erreurs, les réparer et ne plus les refaire, ils cherchent à sauver les apparences et ont perdu de vue la réalité de la France.

 

Au final, leur peur de mal faire les fait davantage agir sur les effets que sur les causes des maux. La gauche plurielle de Lionel Jospin s'attaque au chômage en partageant le travail au lieu d'en créer plus. La gauche singulière de Jean-Luc Mélenchon combat les bas salaires en les augmentant au lieu de relever le pouvoir d'achat en baissant les prix. La droite extrême de Marine Le Pen soigne la crise de l'euro en supprimant la monnaie unique au lieu d'en faire une devise forte.

 

« La France peut supporter la vérité », disait Pierre Mendès France. Même si on peut en douter, notre classe politique comprend les problèmes et connait les solutions, même quand il n'y en a pas. Il ne lui manque que le courage de les mettre en œuvre. De l'audace, encore de l'audace. On l'attend pour demain, dès le 7 mai après les élections, mais on a déjà été déçu plusieurs fois par le passé. Les réformes qui s'imposent sont toujours remises à plus tard, et on prend des voies détournées et des chemins de traverse. Que nos hommes politiques se servent de l'Union européenne comme prétexte pour faire passer leurs projets, mais qu'ils soient architectes du long terme au lieu de noyer le poisson. Car si la fin excuse, le moyen accuse.

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12 avril 2012 4 12 /04 /avril /2012 13:30

« Aimez ceux que vous commandez. Mais sans jamais le leur dire »

 

Antoine de SAINT-EXUPERY (1900-1944) – Ecrivain français et volant en rase-mottes

 

 

Le président actuel n’a jamais fait l’affaire. Il croyait incarner la rupture et inventer une nouvelle présidence. Les français n’étaient pas prêts et n’ont pas aimé. Ils n’ont pas supporté les gesticulations incessantes de ce lapin Duracell élu à une fonction censée incarner la sagesse et la maîtrise de soi. Il était trop actif pour rester en place cinq ans de plus, or c’est rendre un piètre hommage à l’électeur que de s’empresser d’appliquer le programme pour lequel il vous a élu.

 

Le président qu’il nous faut n’est peut-être pas celui qui sera élu le 6 mai 2012 mais ce n’était pas celui que nous avons élu le 6 mai 2007. Dans les sondages qui testent les attentes des français auprès d’un président, la proximité arrive toujours loin devant le courage, l’honnêteté ou l’efficacité. Les gens veulent un président proche d’eux, d’où le succès d’émissions intimistes à la télévision où le premier monsieur nous reçoit en son salon de l’Elysée entre le bol de noix de cajou et le verre de porto, comme à la maison. On perd le mystère, mais c’est la téléréalité.

 

En vrai les campagnes présidentielles sont la rencontre entre un homme et un peuple. Les candides enfilent leurs bottes de sept lieux et mettent les mains dans le cambouis, labourant le terrain et serrant les pognes de la foule. Georges Pompidou, François Mitterrand et Jacques Chirac ont adoré y prendre des bains. Il faut aimer la France pour être élu, et la sillonner à travers champs est le meilleur chant qu’on puisse lui faire. Cela donne des campagnes usantes.

 

Elles le sont aussi surtout pour la pression psychologique qui y règne. C’est la marche ultime sur la route des rêves de gloire, et tous les coups sont permis. Il faut toujours être sur ses gardes et ne jamais crier victoire ou se croire battu d’avance. Mais c’est souvent le plus fort qui l’emporte. Pour les perdants, il est toujours possible contrairement aux Etats-Unis de retenter sa chance le coup d’après. Voire le coup d'encore après. François Mitterrand et Jacques Chirac ont eu besoin de trois essais mais la ténacité paie toujours et les français aiment la récompenser.

 

Certes ils veulent un président sincère et pas manipulateur. Un président pédagogue qui s’explique et fait comprendre et pas un technicien misanthrope. Un président issu du terroir et lié à l’histoire du pays et pas un opportuniste avide de pouvoir et d’argent. Mais ils veulent surtout un président qui revient de loin et qui a fait preuve d’assez d’abnégation pour mériter sa récompense. Un homme qui ne s’arrête pas au premier échec mais qui surmonte la déception et sait éprouver la honte. La vengeance est un plat qui se mange froid et le ventre vide.

 

Il faut rebondir comme sur un trampoline. Seuls ceux qui ont souffert sont légitimes pour prétendre au trône. François Mitterrand disait qu’il fallait vingt ans pour faire un président et qu’il fallait y penser tout le temps, même en mettant ses chaussettes. Nicolas Sarkozy a dit bien fièrement qu’il y pensait « pas seulement en se rasant ». L’ambition personnelle est appréciée, même si elle est égoïste. Le film « La conquête » le montre : l’orgasme d’une carrière politique, c’est la conquête du pouvoir. L’exercice de l’Etat c’est une petite mort, car ça retombe très vite.

 

Prétendants à l’Elysée, oubliez le charisme d’un Jean Lecanuet et ses dents blanches ou le charme d’un Arnaud Montebourg et son « bonjour » qui plaît aux femmes. Les français préfèrent les vieux sages maladroits et mal à gauche à la François Mitterrand. Oubliez le savoir technicien ou la compétence car il ne faut pas être un bourrin de bureau ou un bourreau de barreau pour attirer les foules. Sinon Alain Juppé ou Laurent Fabius seraient déjà élus. Il faut simplement aimer les français, leur porter de l’attention et leur donner du temps sans faire le médecin pressé. « Aimer les gens là où d’autres aiment l’argent », comme dirait l’autre.

 

Le président qu’il nous faut n’est certainement pas le président idéal. Mais même en période de crise, personne ne rêve de l’homme providentiel ou de Superman. Juste d’un homme politique censé qui file dans le bon sens. A la limite, après avoir eu en d’autres temps Félix Faure décédé en plein orgasme, Paul Deschanel sautant du train en pyjama ou René Coty élu au 13ème tour, les français n’ont plus peur du ridicule. Alors va pour François Hollande.

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8 avril 2012 7 08 /04 /avril /2012 08:26

« Garde tes amis près de toi, et tes ennemis plus près encore »

 

Al PACINO (1940) – Acteur américain et parrain de la drogue

 

 

La banlieue c’est pas rose, la banlieue c’est morose. Voilà un thème de campagne qui n’existait pas avant que nos brillants énarques n’aient la géniale idée d'aménager le territoire en le déménageant et de construire d'horribles cités-dortoirs à l’écart des villes. Résultat : la France a construit elle-même ses propres ghettos où se concentrent toutes les populations immigrées et les délinquants qui sèment la terreur. Les racailles qu’il faut nettoyer au Karcher, comme disait un ministre de l’intérieur bien connu des services de police qui parlait de nettoyage ethnique.

 

Jusqu'ici tout allait bien. Mais les émeutes des Minguettes en 1981 ont révélé le malaise. Des films et du rap ont donné conscience aux français que près de chez eux une autre France avait la haine. Et là c’est le drame. La moindre étincelle comme une course-poursuite électrifiée à Clichy-sous-Bois ou un accident de scooter à Villiers-le-Bel mettent le feu aux poudres et le feu aux banlieues. La violence devient un exutoire pour exprimer son manque d’affection.

 

Le thème des banlieues avait déjà animé les campagnes de 1995 et 2002. On se souvient notamment de la visite mouvementée de Jacques Chirac à Mantes-la-Jolieoù il était reparti sous les molards. Mais les émeutes de 2005 furent un tournant car elles ont révélé l'échec de l'universalisme républicain et de l'intégration à la française. Les minorités visibles comme on dit n’ont pas envie d’être assimilées ou acculturées et de sacrifier l’héritage d’où elles viennent. Or souvent la France n’a pas fait l’effort de s’intéresser à elles et les a laissées à l’écart en banlieue.

 

Là au moins elles ne feraient pas de vagues. Face au communautarisme qui laisse place aux différences et aux particularismes, la république a prétendu tout centraliser et uniformiser sans consentir de contrepartie. Au lieu d’accueillir ses nouveaux fils, elle les a parqués tels des intouchables dans des HLM éloignés des centres-villes, alimentant la machine à fabriquer de la ségrégation urbaine. La France n’a pas fait son melting potes mais a privilégié la division à la diversité. La confrontation avec un ennemi intérieur à l’ouverture sur l’autre. C’est pourquoi les candidats parlèrent beaucoup des banlieues en 2007. Mais le serpent de mer se mord la queue.

 

En 2012, les banlieues ne font ni recette ni campagne. A part le pèlerinage électoral de François Hollande, on en a peu parlé. Pourtant, rien n’a changé. La politique sarkozienne en la matière se sera résumée à incanter en faveur de l’immigration choisie au lieu de l’immigration subie alors que de toute évidence les immigrés ne viennent jamais par plaisir. « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde », comme disait Michel Rocard, mais il est difficile de l’empêcher de se faufiler partout. Lampedusa l’a bien montré. Le président se contentera pour sa part d’avoir atteint l’objectif des 30000expulsions d’immigrants illégaux.

 

On passera difficilement sur les allusions douteuses et les dérapages de moins en moins contrôlés des ministres de l’intérieur et de l’immigration, de Brice Hortefeux à Claude Guéant en passant par Éric Besson. Quand il y en a une, ça va. C’est quand il y en a plusieurs qu’il y a des problèmes. Elles seront de trop pour les électeurs du Modem qui auraient pu faire réélire le président sortant. A force d'être à la fois républicain et raciste, on finit par confondre l’histoire humaine et la zoologie.

 

Mais s’il y a des gens plus imbuvables que les racistes, ce sont bien les antiracistes. Au risque de faire du Eric Zemmour de deuxième division, c’est en ayant vu du racisme partout et en s’étant offusqué à la moindre ambigüité qu’ils l'ont banalisé, donnant envie d'en rajouter aux accusés qu’ils pointaient du doigt sur la place publique. Pire, ils ont fait des minorités ethniques des victimes sur lesquelles il fallait s’apitoyer pour mieux se dispenser de les aider à s’en sortir.

 

Il est temps de trouver une sortie par le haut avant que les sangs impurs ne rajoutent le sang au feu des bagnoles. Le codéveloppement pourrait limiter l'afflux en finançant la vie des étrangers mais pas chez nous. Mais déjà qu'on n'arrive pas à aider nos propres pauvres... Surtout, il va falloir faire de ces « nouveaux français » des français à part entière. Se nourrir de leur apport au moins autant qu’on prétend leur apporter. Les respecter pour nous respecter.

 

En parlant de villes et de banlieues, entendez-vous dans nos campagnes et dans le 13 heures de Jean-Pierre Pernaut mugir en silence la France rurale, cette France de toujours que l'on laisse de côté. La patrie ne s’occupe plus des siens et prête trop d'attention aux pièces rapportées qui veulent s’en éloigner. Il est temps de résoudre le problème pour passer à autre chose.

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