« La politique, ça m’ennuie. Un député, ça ne sert à rien »
Marcel DASSAULT (1892-1986) – Entrepreneur français et député godillot
Le Parlement a repris sa session et ce n’est pas extraordinaire. Dans toute démocratie, c’est lui qui vote la loi et approuve le budget. C’est pour cela que tous veulent devenir député malgré le mal qu’on en dit, comme le fait qu’il inspire moins confiance qu’une prostituée. « Ils parlent, ils mentent, ils parlementent », diraient les caustiques. Mais c’est sûrement à cause des sénateurs inamovibles dignes de la IIIème République que les gens ont des pensées si mauvaises.
L’inutilité frappe le métier de parlementaire sous la Vème République. Le gouvernement a tout le pouvoir et il est peu partageur. Au mieux il concède quelques faiblesses et laisse pour un temps l’initiative à des élus rebelles. Mais le député godillot est la règle et il vote comme un seul homme avec les autres en suivant la consigne. « Quand on est dans la majorité c’est « Ferme ta gueule » ; quand on est dans l’opposition c’est « Cause toujours » », disait l’ami Laurent Fabius.
François Hollande a promis de consulter le parlement. Encore heureux. En revanche, l’élection de son fidèle Bruno Le Roux à la tête du groupe socialiste ne laisse guère optimiste quant à l’autonomie qu’il veut laisser à la chambre basse. Les députés seront plus abonnés aux interviews dans la salle des Pas Perdus qu’aux grands discours à la tribune, plus à l’aise dans les arrangements de couloir que dans les votes d’hémicycles et plus motivés par la défense de leurs territoires que par l’intérêt général qu’ils sont censés représenter en tant qu’élus de la nation.
Aujourd’hui l’essentiel du travail parlementaire se fait dans les commissions et non plus dans l’hémicycle. Les plus malins qui connaissent la règle du jeu et savent en jouer tireront leur épingle. Ils iront dans les bonnes commissions pour se mettre en valeur. Gilles Carrez a déjà pris celle des finances après avoir été rapporteur du budget. Il sait mieux que quiconque où est le vrai pouvoir. Les autres, moins chanceux, seront disciplinés et s’en retourneront chez eux.
A vos ordres mon général ! La loi martiale oblige encore à écouter celui qui commande. Jean-Marc Ayrault a tenu un discours de politique générale qui a été adopté les yeux fermés par une assemblée qui n’exerce même plus le vote de confiance. Le 1er ministre s’est contenté d’égrener sa feuille de route des mesures promises par le président François Hollande, même si la plupart attendra 2013. C’était un exercice convenu mais le quinquennat y est pour beaucoup.
Ce fut un discours de politique très général qui a versé dans les habituels poncifs du genre. Comme prévu, Jean-Marc Ayrault a égratigné la majorité sortante en faisant la leçon avec des positions morales, même s’il dit ne pas vouloir débattre de l’héritage. Comme prévu, Jean-Marc Ayrault a fait un catalogue de bonnes intentions en promettant enfin la justice sociale et un nouvel élan pour l’éducation en France, même s’il sera vite calmé par la loi de la gravité.
Comme prévu, Jean-Marc Ayrault a évoqué la situation grave du pays. La dette a été au centre de son discours et la rigueur sur toutes les lèvres, mais elle n’est jamais allée plus loin et est restée sur le bout de sa langue. Le 1er ministre s’est inscrit en faux contre ce mot et préfère le sérieux à l’austérité. Il a promis « le redressement dans la justice » mais il ne voulait pas plomber le moral des troupes avant « l’effort national ». Or il fonce tout droit sur la rigueur sans même prendre de tournant et l’austérité de son style ressemblera à l’austérité de sa politique.
En hussard du président, il a promis de ne renoncer à rien et de ne décider de rien. La concertation avec les forces sociales sera son leitmotiv et on se demande quand viendront les réformes. Son culte de l’accord parfait est beau à voir. Dommage néanmoins qu’il ne concerne pas les députés, qui seront les premiers à le voter et les derniers à le vouloir. Car eux savent déjà par avance qu’ils devront suivre sans contester les ordres qui viennent d’en haut.