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3 juillet 2012 2 03 /07 /juillet /2012 22:34

« La politique, ça m’ennuie. Un député, ça ne sert à rien »

 

Marcel DASSAULT (1892-1986) – Entrepreneur français et député godillot

 

Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, lors de sa déclaration de politique générale à l'Assemblée nationale, mardi.

 

Le Parlement a repris sa session et ce n’est pas extraordinaire. Dans toute démocratie, c’est lui qui vote la loi et approuve le budget. C’est pour cela que tous veulent devenir député malgré le mal qu’on en dit, comme le fait qu’il inspire moins confiance qu’une prostituée. « Ils parlent, ils mentent, ils parlementent », diraient les caustiques. Mais c’est sûrement à cause des sénateurs inamovibles dignes de la IIIème République que les gens ont des pensées si mauvaises.

 

L’inutilité frappe le métier de parlementaire sous la Vème République. Le gouvernement a tout le pouvoir et il est peu partageur. Au mieux il concède quelques faiblesses et laisse pour un temps l’initiative à des élus rebelles. Mais le député godillot est la règle et il vote comme un seul homme avec les autres en suivant la consigne. « Quand on est dans la majorité c’est « Ferme ta gueule » ; quand on est dans l’opposition c’est « Cause toujours » », disait l’ami Laurent Fabius.

 

François Hollande a promis de consulter le parlement. Encore heureux. En revanche, l’élection de son fidèle Bruno Le Roux à la tête du groupe socialiste ne laisse guère optimiste quant à l’autonomie qu’il veut laisser à la chambre basse. Les députés seront plus abonnés aux interviews dans la salle des Pas Perdus qu’aux grands discours à la tribune, plus à l’aise dans les arrangements de couloir que dans les votes d’hémicycles et plus motivés par la défense de leurs territoires que par l’intérêt général qu’ils sont censés représenter en tant qu’élus de la nation.  

 

Aujourd’hui l’essentiel du travail parlementaire se fait dans les commissions et non plus dans l’hémicycle. Les plus malins qui connaissent la règle du jeu et savent en jouer tireront leur épingle. Ils iront dans les bonnes commissions pour se mettre en valeur. Gilles Carrez a déjà pris celle des finances après avoir été rapporteur du budget. Il sait mieux que quiconque où est le vrai pouvoir. Les autres, moins chanceux, seront disciplinés et s’en retourneront chez eux.

 

A vos ordres mon général ! La loi martiale oblige encore à écouter celui qui commande. Jean-Marc Ayrault a tenu un discours de politique générale qui a été adopté les yeux fermés par une assemblée qui n’exerce même plus le vote de confiance. Le 1er ministre s’est contenté d’égrener sa feuille de route des mesures promises par le président François Hollande, même si la plupart attendra 2013. C’était un exercice convenu mais le quinquennat y est pour beaucoup.

 

Ce fut un discours de politique très général qui a versé dans les habituels poncifs du genre. Comme prévu, Jean-Marc Ayrault a égratigné la majorité sortante en faisant la leçon avec des positions morales, même s’il dit ne pas vouloir débattre de l’héritage. Comme prévu, Jean-Marc Ayrault a fait un catalogue de bonnes intentions en promettant enfin la justice sociale et un nouvel élan pour l’éducation en France, même s’il sera vite calmé par la loi de la gravité.

 

Comme prévu, Jean-Marc Ayrault a évoqué la situation grave du pays. La dette a été au centre de son discours et la rigueur sur toutes les lèvres, mais elle n’est jamais allée plus loin et est restée sur le bout de sa langue. Le 1er ministre s’est inscrit en faux contre ce mot et préfère le sérieux à l’austérité. Il a promis « le redressement dans la justice » mais il ne voulait pas plomber le moral des troupes avant « l’effort national ». Or il fonce tout droit sur la rigueur sans même prendre de tournant et l’austérité de son style ressemblera à l’austérité de sa politique.

 

En hussard du président, il a promis de ne renoncer à rien et de ne décider de rien. La concertation avec les forces sociales sera son leitmotiv et on se demande quand viendront les réformes. Son culte de l’accord parfait est beau à voir. Dommage néanmoins qu’il ne concerne pas les députés, qui seront les premiers à le voter et les derniers à le vouloir. Car eux savent déjà par avance qu’ils devront suivre sans contester les ordres qui viennent d’en haut.

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2 juillet 2012 1 02 /07 /juillet /2012 23:11

« Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage »

 

Joachim du BELLAY (1522-1560) – Poète français et voyageur cent bornes

 

 

Un peu d’histoire. Au milieu du Moyen-Âge, les arabes crurent envahir la France mais Charles Martel les arrêta à Poitiers. Pour se venger, les chrétiens d’Europe prirent leur bâton et partirent en pèlerinage et en croisade à Jérusalem pour taper et évangéliser les sarrazins. A la fin des Temps modernes, ils revinrent convertir et coloniser les sauvages d’Afrique noire. Pour se dédommager, ceux-ci ont naturellement traversé la Méditerranée à la nage pour nous rejoindre.

 

La France avait déjà été envahie de partout et par tous. Paillasson de l’Europe, tous les barbares des goths aux francs sans passer par les huns lui sont passés dessus. Elle a fait la guerre pour résister encore et toujours à l’envahisseur romain, anglais ou boche. Elle a amassé tous les peuples d’Europe : ritals, polacs, roskofs, espingouins, portos... Non sans mal, et l’extrême droite des années 1930 n’avait pas d’insulte judaïque assez dure pour leur cracher au visage.

 

Fin de ce récit aride. Les frontières se sont fermées durant les années 1970 et la crise a mis fin à l’immigration du travail. Il fallait stopper l’entrée de maghrébins or les arabes avaient largement dépassé Poitiers. On a eu tort sur toutes les lignes. Cette ligne Maginot a modifié les flux de migration sans altérer les stocks. Là où les étrangers allaient et venaient et rentraient et sortaient, on a rapatrié pour toujours les femmes et les enfants dans le cadre du regroupement familial pour y reproduire des immigrés de troisième génération victimes du racisme ordinaire.

 

La rencontre de l’autre devait faire apprendre de cultures différentes. En France elle a tourné au choc des civilisations et à la crise d’identité. Ce n’est pas pour rien que la droite a fait un ministère en collant les mots d’immigration et d’identité nationale. Trop de compatriotes ne se sentent plus chez eux quand ils entendent parler arabe dans la rue, regardent les berbères brûler le drapeau français et voient les femmes voilées cacher leur visage pour le montrer. Telle l’équipe de France de foot dont ils sifflent l’hymne, les ouèch-ouèch remplacent les oui-oui.

 

La gauche a peur des mots et accuse la droite d’en dire des gros. SOS Racisme ne laisse rien passer et punit tous les dérapages. Claude Guéant lui a donné du boulot, mêlant roumains et comoriens comme on mélange torchons et serviettes. Mais il ne faut pas se voiler la face face au problème de l’immigration. Les bons français ne veulent plus payer les allocations familiales des tribus immigrées qui profitent de la politique nataliste pour payer leurs fournitures scolaires.

 

Le problème est plus grave pour les immigrés. Partis plein d’illusions de leur pays à la recherche d’un monde meilleur, ces pèlerins sans frontières n’ont pas de limites. Ils sautent de pays en pays et s’arrêtent de temps en temps au mépris des réglementations nationales. Surtout si les accords de Schengen autorisent même les roumains et les bulgares à jouer les roms et les romanichels dans nos décharges municipales. Ils sont prêts à tout pour trouver du travail chez nous, même à subir l’exclusion. Ils font sauter les frontières qui encerclent nos pensées étroites.

 

Ils nous apprennent que les étrangers ne sont pas des animaux qu’on envoie en charters mais des êtres humains sensibles. Le ministre de l’intérieur vise chaque année 30000 expulsions d’immigrants illégaux et se réjouit d’atteindre l’objectif de ces statistiques idiotes. Le mieux est l’ennemi du bien. Comme on ne trouve que ce que l’on cherche et qu’on ne cherche que ce que l’on trouve, les expulsés viennent souvent des communautés les plus visibles, faciles à mener au centre de rétention administrative. Nos oreilles ont du mal à croire ce qu’elles ont entendu, mais François Hollande ne conteste pas la méthode. Il ne sera pas plus laxiste que la droite.

 

Ils nous apprennent à nous connaître nous-mêmes. C’est à la rencontre de la différence que l’identité française se renforcera en prenant conscience d’elle-même. C’est triste à dire mais elle s’exacerbera au lieu de se nourrir à leur contact. Les dernières frontières restantes sont psychologiques plus que physiques et les français voient moins leurs murs d’incompréhension intérieurs que les différences d’état civil extérieurs. Or on ne porte pas de drapeau sur la photo.

 

Ils nous apprennent enfin à remettre en question nos attitudes. C’est un hommage qu’ils nous rendent en venant chez nous chercher une vie meilleure et un dommage qu’ils nous causent en cultivant leurs coutumes au mépris de l’universalisme républicain. Le problème de l’immigration est devenu trop grave pour continuer à l’aborder avec la mentalité d’hier. Il faut que tombent les frontières de l’imagination et les pèlerins reprendront le sens de la circulation.

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1 juillet 2012 7 01 /07 /juillet /2012 22:38

« Ce sont les idées qui mènent le monde »

 

Ernest RENAN (1823-1892) – Historien français et boîte à idées

 

 

Olivier Ferrand est mort. A 42 ans, le nouveau député a succombé à un arrêt cardiaque après son jogging. Nicolas Sarkozy devrait se méfier. Après Eric Raoult, la campagne législative a encore frappé. Ce jeune espoir socialiste disparait alors que la gauche était enfin revenue au pouvoir après dix ans de disette. A bien des égards, ce poète maudit en était l’un des principaux responsables. Tous ses amis et même ses adversaires ont exprimé leur tristesse et leur émotion.

 

C’est suite aux déroutes présidentielles de 2002 et 2007 qu’Olivier Ferrand créa le think tank Terra Nova en 2008. Un char à idées, comme disent les américains. Il fallait repenser la gauche en la libérant de ses tabous pour contrer la droite d’Henri Guaino. La victoire passerait par une reconstruction intellectuelle du PS. Les idées sont la base de tout, donc il faut réfléchir.

 

Terra Nova, c’est avant tout plus de 1000 experts chargés de rédiger des rapports. Parmi ceux-ci il y a bien sûr l’idée d’importer la primaire américaine en France. Bien que prévue pour faire revenir Dominique Strauss-Kahn et pour faire voter les verts et les communistes pour le candidat unique de la gauche, elle fut la clé de la victoire de François Hollande en 2012.

 

Olivier Ferrand était avant tout un partisan de l’ancien directeur général du FMI. Il était foncièrement social-démocrate et rocardien et avait travaillé pour Lionel Jospin quand il était 1er ministre. Quelque part, la victoire de François Hollande consacre sa ligne de gauche molle et d’aile droite. On se souvient de ce rapport conseillant au PS de construire sa majorité autour des jeunes, des urbains et des diplômés. L’électorat bobo contre l’électorat ouvrier, un tabou.

 

Le PS pourra en effet s’appuyer à l’avenir sur cet électorat aisé et cultivé. C’est pour cela que sont sorties des idées comme la limitation des régularisations de sans-papiers que va lancer sans honte Manuel Valls. Car régulariser des étrangers, c’est contester l’autorité de l’Etat républicain et voler des emplois aux ouvriers français. Il y a de la droite dans cette gauche-là.

 

Cette rénovation intellectuelle plus que d’appareil prend au personnalisme d’Emmanuel Mounier des années 1930 ce mélange confus d’individu et de solidarité. Le haut-fonctionnaire n’a jamais aimé les guéguerres internes du PS. C’est pour cela qu’il a créé son propre réseau de pensée. Il était un média à lui tout seul. La droite devrait y penser pour la reconquête de 2017.

 

Il dévorait la vie et c’est ce qui l’a perdu. Avec ses footings quotidiens, cet inconnu du grand public fusait d’idées tel un Jacques Attali sous François Mitterrand mais il n’a jamais eu son prince. François Hollande n’était pas son idole mais il a recueilli les fruits de son travail. Or la victoire de 2012 est finalement moins due à sa réflexion qu’à l’éphéméride électorale. La gauche devait forcément profiter de l’alternance cette année après dix ans de droite sarkozyste.

 

Ses idées étaient innovantes et étonnantes. Elles étaient naïves car progressistes, sociales et démocrates. On pense à la limitation des hauts revenus, au maintien de la dépense publique ou à la police de proximité. Elles étaient dérangeantes, donc la gauche ne les reprendra pas. Il avait une volonté de fer mais elle n’a pas la volonté de faire. Elle prendra des mesures faciles sur le mariage homosexuel et le vote des étrangers aux élections locales pour satisfaire sa clientèle mais continuera à garder des œillères sur les problèmes qui comptent vraiment.

 

Ces rapports ont souvent été contestés par les archaïques. Mais la social-démocratie semble enfin avoir percé dans ce pays alors que la gauche française était le dernier dinosaure socialiste d’Europe. Ce miracle historique peut être en partie attribué à Olivier Ferrand. Mais l’aile gauche veille et François Hollande ne sera pas assez courageux pour éviter la synthèse. Il ne fera rien de la pensée d’Olivier Ferrand. On ne sait toujours pas d’ailleurs ce qu’il pense.  

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