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30 juin 2012 6 30 /06 /juin /2012 23:17

« Le désordre est le meilleur serviteur de l’ordre établi »

 

Paul VALERY (1905-1980) – Philosophe français et toujours bien organisé

 

 

La France est un beau pays. Elle est enviée dans le monde entier pour ses paysages, son terroir et sa gastronomie. C’est la première destination touristique en termes de visiteurs, même s’ils ne font que passer au lieu de s’arrêter pour dépenser quelques devises. Mais la France n’a jamais été très forte en économie. C’est pourquoi elle a tant de mal à valoriser son joli territoire et à y développer des activités porteuses de croissance et d’emploi. Elle tente comme les autres de faire de l’aménagement du territoire, mais en fait elle fait du déménagement du territoire.

 

Dans les années 1970, le ministre de l’aménagement du territoire Olivier Guichard tenta de ménager les territoires en leur imposant sa tutelle. De cette époque vient le développement des métropoles et des zones d’activités avec la Datar, mais les résistances furent trop fortes. La gauche a compris qu’il fallait donner le pouvoir aux élus locaux pour les contrôler. Dans les années 1980, le ministre de l’intérieur Gaston Defferre actait la décentralisation et leur donnait la compétence du développement économique sans ôter à l’Etat la gestion de la fiscalité locale.

 

Comme on pouvait s’y attendre, cette politique n’a pas cassé des briques et l’Etat est resté central dans un système centralisé. Les présidents ont rivalisé d’idées drôles et drolatiques pour garder la main. En 1992, François Mitterrand créait spécialement la fonction de ministre de la ville pour le très spécial Bernard Tapie, spécialiste du spectacle. En 2009, Nicolas Sarkozy appelait Christian Blanc pour être ministre du Grand Paris, un petit poste créé pour l’occasion pour embêter le géant démographique président de la région Ile-de-France Jean-Paul Huchon.

 

Or le problème de la France est dans ses déséquilibres. Sa capitale boursouflée affiche une agglomération de 10 millions d’habitants et surclasse Lyon sa dauphine. Gérard Collomb dit vouloir faire de sa ville une cité européenne et un pôle économique de premier plan mais il est le dernier à le croire. En 1982, Gaston Defferre créait la loi PLM et ressuscitait une vieille ligne de chemins de fer bien connue. Cette loi modifiait le mode d’élection des maires de Paris, Lyon et Marseille en introduisant des arrondissements. La réponse était dans la question : il voulait en fait sauver son mandat face à la poussée de la droite locale en charcutant le territoire.

 

C’est dire le sérieux avec lequel est traitée la question, pourtant grave. Le désert français avance, avec cette Creuse où personne ne veut aller et sa diagonale du vide et ses zones rurales. Le sud-ouest n’existe pas en termes de population exceptées ses grandes villes Bordeaux et Toulouse et ses stations balnéaires Biarritz et Arcachon. Le nord-est n’existe plus depuis la désindustrialisation qui l’a rempli de chômeurs, de pédophiles et de consanguins. Pour compenser et récompenser ces zones sinistrées, Nicolas Sarkozy a implanté l’Insee à Metz alors que tous les chiffres sont à Paris. Le cliché du statisticien en costume gris austère a la vie dure.

 

La politique d’aménagement intérieur doit créer des logements et du travail. Pour cela, il faut de l’argent et de la solidarité. Entre communes, qui tendent de plus en plus à opérer par intercommunalités pour ne pas que leurs équipements disparaissent. Entre régions, qui mettent en commun leurs économies avec la péréquation financière. Entre pays, même si l’Europe qui a longtemps fonctionné grâce aux fonds structurels touche le fond dans la conjoncture actuelle.

 

La politique d’aménagement intérieur doit faire des choix et s’y tenir. La France a une identité rurale qui fait toute sa valeur et toutes ses valeurs, mais elle peut préférer développer le fait citadin avec la périurbanisation du moment qu’elle assume. Les collectivités locales peuvent gérer l’urbanisme et le foncier mais elles doivent cesser d’empiler les Scot et les PLU pour épater la galerie et s’épargner l’effort de la synthèse. Les villes peuvent faire de leurs centres des musées, mais elles doivent arrêter de vouloir en même temps le développement économique et la mixité sociale alors qu’elles accumulent les friches industrielles et les banlieues délabrées.

 

En France comme ailleurs, il ne pleut que là où il y a des flaques. Seuls les territoires les plus riches attirent les habitants et les entreprises. Et inversement. Alors que les villes sont surpeuplées et affichent des loyers hors de proportion, les campagnes se dépeuplent et ce n’est même plus un sujet de campagne. Les aménageurs devraient avoir en tête deux maximes pour faire plaisir aux ménages qui peinent à surnager. Une : on peut avoir la même identité sans être identiques. Deux : la diversité des territoires ne doit pas donner la fracture des territoires. Voilà.

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30 juin 2012 6 30 /06 /juin /2012 04:23

« La finance, c’est la mort de l’économie »

 

Denis ROBERT (1958) – Journaliste français et à court d’argent

 

 

Dans la brise estivale de 2007, personne ne pensait le monde au bord d’un festival de crises. Les marchés financiers avaient la côte et Nicolas Sarkozy promettait encore de remonter la pente du pouvoir d’achat. Au même moment, les ménages américains cessaient de payer leurs loyers et faisaient exploser la bulle des crédits pourris subprimes. Les banques faisaient défaut par manque de liquidités et de solvabilité. La crise financière de 2008 était lancée, entraînant en cascade la crise économique de 2009 et la crise de la dette souveraine de 2010.

 

Le crash du krach était la fin logique d’une série d’irrationalités et de défaillances. Les banques ont placé l’argent qu’on leur confie sur les marchés financiers pour diluer le risque par la titrisation qui structure la dette en petits paquets-cadeaux. Protégées par l’assurance des CDS, elles savaient que les Etats ne les laisseraient pas tomber et ont pris des risques inconsidérés, ne faisant que les déplacer au lieu de les diluer. Aujourd’hui, les Etats restructurent leurs dettes et les banques continuent de doubler la mise de leurs paris au lieu de sortir du casino.

 

La réaction des dirigeants ne fut pas à la hauteur. En 2008, Nicolas Sarkozy criait : « Il faut moraliser le capitalisme ». En 2012, François Hollande hurlait : « Mon adversaire, c’est le monde de la finance ». Tel Léon Gambetta qui scandait « Le cléricalisme, voilà l’ennemi », tous les hommes politiques de la planète France se mettent contre la finance, oubliant que c’est elle qui par ses prêts généreux subventionne leur fièvre bâtisseuse et leur goût pour la faillite.

 

Certes il faut arrêter de jouer à la roulette russe avec les économies des salariés et de l’économie productive. Le capitalisme familial doit mater le capitalisme actionnarial. Mais le G20 n’a fait que changer quelques règles du jeu au lieu de siffler la fin de la partie, rédigeant sur un coin de nappe quelques principes qui n’empêcheront pas la spéculation d’aller joyeusement.

 

Les accords de Bâle obligent les banques à posséder en vrai un pourcentage minimum de l’argent qui circule virtuellement entre leurs mains. C’est frappé du sceau du bon sens car on ne devrait dépenser que l’argent qu’on a. Mais c’est un non-sens qui va dans le mauvais sens : les banques ont asséché le crédit, sorti les actifs de leurs bilans pour les placer encore plus en bourse et précipité les entreprises dans le gouffre. La gauche veut séparer les banques de dépôt des banques d’investissement. Sans savoir que les unes ne survivent que par l’argent des autres.

 

Les Etats ont fait confiance aux banques pour refinancer le capitalisme, en 2008 en injectant des liquidités comme en 2012 en prêtant à des taux historiquement bas. Ils oublient qu’elles continuent à faire du trading, à payer leurs patrons à prix d’or et à garder jalousement l’argent pour se refinancer au lieu de le prêter aux entreprises. Il y a des Bastilles à prendre.

 

La sortie de crise ne passe pas par la réglementation mais par la régulation. Et un autre modèle de croissance. Tout le monde critique la finance mais il devrait plutôt fustiger le mode de vie et de mort à crédit qui mène banques, marchés, Etats et ménages. On dépense l’argent qu’on n’a pas en promettant qu’on le gagnera. On vit aux dépens et au détriment des années qui viennent. Ce réflexe keynésien a permis l’industrialisation de l’occident quand la Chine en restait au stade artisanal. Mais on ne peut garder ce niveau de vie impunément sans travailler.

 

La Chine a sa revanche et bloque les mouvements de capitaux pour garder la faiblesse de sa monnaie. Le ministre du redressement productif Arnaud Montebourg veut l’imiter avec la démondialisation, mais c’est limité pour un pays qui a besoin d’exporter pour s’en sortir et qui ne peut monter des lignes Maginot à ses frontières. Or la critique vient de ceux-là même qui ont mis en place les marchés financiers en France dans les années 1980, la génération Mitterrand.

 

La France doit changer sa vision de l’argent pour ne plus considérer la finance comme le seul coupable. Elle ne doit plus cracher sur les riches en rêvant d’une France de propriétaires alors qu’elle n’a pas le premier centime pour le mériter. L’Etat va devoir se mettre au travail et se financer par des fonds souverains qui tels les pays du Golfe la libéreront de la dépendance aux marchés. On appelle cela le capitalisme d’Etat, et c’est mieux que le capitalisme financier.

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28 juin 2012 4 28 /06 /juin /2012 22:12

« L’oubli me parait une mort »

 

Gabriel de LAVERGNE (1628-1685) – Diplomate français et la mort dans l’âme

 

 

En 1974, le Front National plafonnait à 0,75% aux élections présidentielles. Jean-Marie Le Pen n’était qu’un poujadiste attardé et borgne. Depuis il s’est fait tout seul : absent en 1981 à cause de la règle des 500 signatures qui le servirait bien par la suite pour faire la victime, il a monté par paliers sa petite entreprise familiale. 14,38% en 1988, 15% en 1995, 16,86% en 2002 : il accède cette année-là au 2ème tour et réussit la chose de sa vie. On ne le félicite pas.

 

En 2007, le FN a failli vendre son siège historique du paquebot à cause de son coup de mou électoral. En 2012, les comtes de Saint-Cloud paradaient à 17,90% et faisaient couler le bateau que Nicolas Sarkozy aurait dû arborer sur son affiche. Marine Le Pen se permet même de tout révolutionner, jusqu’au sigle le plus détesté de France. Elle veut remplacer le FN par le Rassemblement bleu marine, un nom qui évoque étrangement les chemises noires du fascisme.

 

Or rien n’est tout noir ou tout blanc. En France, on tombe trop souvent dans le piège de ne condamner le FN que sur des positions morales alors que l’inconsistance de son programme économique suffirait. La gauche accuse constamment la droite de flirter avec les extrêmes mais elle aime tellement la droite qu’elle se félicite qu’il y en ait deux. Après le fameux coup fumeux de François Mitterrand en 1986, elle a gagné beaucoup de scrutins grâce à ce ménage à trois.

 

Les partis de gouvernement ostracisent le FN pour mieux se glorifier. Ils crachent sur le parti mais pas sur les voix de ses électeurs, même si cette année il ne valait mieux pas s’afficher trop à droite. C’est rendre un piètre hommage à la noblesse du sport politique de croire que le FN est un parti raciste, vichyste et fasciste. Les hommes politiques et les citoyens atteignent trop souvent ce point Godwin, quand dans une conversation trop longue on finit par parler d’Hitler.

 

On oublie que le FN tire d’abord son électorat des mécontents. Comme les ouvriers, ce qui montre que c’est autant le problème de la droite que de la gauche. Pour l’heure, Marine Le Pen en veut à l’UMP et fait des listes noires. Elle joue les chasseurs de primes et veut devenir le premier parti de droite. Voilà qui devrait réveiller ceux qui ont toujours rêvé de la fin du FN.  

 

La droite n’a jamais su y faire. Dans les années 1980, certains caciques comme Charles Pasqua soulignaient les « valeurs et préoccupations communes » du RPR et du FN mais Jacques Chirac a toujours refusé les alliances. Dans les années 2010, l’UMP ne choisit pas entre le FN et le PS et privilégie le désistement républicain au front républicain. C’est le ni-ni, que Jean-François Copé avec son culot habituel a osé présenter comme un choix politique difficile.

 

Pour en finir avec le FN, il faudrait déjà moins en parler. Ce sont les médias qui ont fait le FN. En 1981, il obtenait 0,18% aux élections législatives. En 1984, il obtenait 10,95% et 10 députés aux élections européennes. Entre temps, il y a eu le tonnerre de Dreux et le tapage médiatique a fait de ce groupuscule l’ennemi public n°1. Jean-Marie Le Pen a pu être invité à la télé pour se plaindre de ne pas y passer. TF1 a suffisamment popularisé le thème de l’insécurité et France 2 a largement diabolisé le mal des extrêmes. Or les méchants sont souvent appréciés.

 

Et on n’a toujours pas compris. Cette idiote de Caroline Fourest continue de parler du FN pour lui donner de l’audience. Nathalie Kosciusko-Morizet écrit des livres d’une navrante banalité sur le fléau de l’extrême droite et manque de peu de le payer dans les urnes. Croyant bien faire, elles font bien mal. Jean-Luc Mélenchon se présente comme un valeureux guerrier qui lutte « bien seul » contre la semi-démente. Il ne fait que se garer sur le créneau électoral des déçus, ceux-là qui ont voté François Bayrou en 2007 et qui sont revenus au bercail en 2012.

 

En Allemagne, Helmut Kohl avait été plus fin. Quand les néonazis ont reparu, il a réuni les médias et l’opposition et leur a demandé de ne pas parler de ces gens-là. Ils n’ont jamais dépassé 2%. En France, la droite fait la publicité des thèmes du FN pour gagner des parts de marché électorales. Après la tactique Buisson de Nicolas Sarkozy en 2007, Jean-François Copé a eu l’idée de faire des courants pour que la droite populaire essore le FN. Gérard Longuet veut normaliser les rapports et finir la guerre froide, mais il dit une connerie toutes les minutes.

 

Souvent pour atteindre un but, il faut faire l’inverse de ce que tout le monde ferait et qui parait évident. Le FN n’a pas de succès pour ses idées mais parce qu’il est l’alternative de ceux qui n’en ont pas. Il a une fonction tribunitienne, tel le PCF des années 1950 quand il caracolait à 25% aux élections. Or voilà que le FN veut convertir son potentiel électoral en élus avec la proportionnelle. Cela le tuerait : en entrant dans le jeu il ne serait plus un parti hors système. La dédiabolisation en ferait un parti de droite parmi d’autres, condamné à la déroute à perpétuité.

 

Vue l’impuissance des élites, seul le FN peut causer sa propre fin. Son virage incertain vers moins de xénophobie et plus d’économie fait penser aux verts quand ils se mettent à parler de nation : ils ne sont pas payés pour cela. On ne joue pas aux savants fous en politique, car c’est une science exacte. Jacques Chirac disait souvent que le FN périrait avec la mort de Jean Marie Le Pen. Il avait tort. Mais pour en finir avec le clan Le Pen, il faut bien le pendre.

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