« Tout chef politique doit avoir l’instinct du tueur »
Françoise GIROUD (1916-2003) – Journaliste française et le culte du chef
On se croirait dans un album d’Astérix. La guerre contre la gauche à peine perdue, le combat commence à droite pour désigner le futur président de l’UMP. Les médias ont baptisé ce pugilat « la guerre des chefs », prenant à bras raccourcis les premières critiques de François Fillon contre Jean-François Copé, secrétaire général par intérim en difficulté. Comme le maire de Meaux n’est plus le leader incontestable et incontesté, ils seront donc quatre à postuler.
Jean-François Copé bien sûr, sûr de son coup pour 2017 après avoir pris la banque en 2010. Il a la main, mais il aurait bien pris le bras si les autres mâles dominants ne l’avaient pas retenu. Alain Juppé le premier, le maire de Bordeaux voulant reprendre le bébé qu’il a fait en 2002. Comme il dit pour la cohésion de la droite, mais aussi pour jouer le premier rôle malgré son âge. Xavier Bertrand est là, après s’être fait violer et voler son poste de secrétaire général. Ce faux gros et ce faux gentil n’a pas la langue dans sa poche, mais il ne pourra pas s’en servir.
Et il y a bien sûr François Fillon, favori contre toute attente et attendu avec de la faveur. Le déjà ancien 1er ministre incarne l’aile modérée de la droite. Il a du caractère mais ne le montre pas et surprend son petit monde par des phrases assassines. Chantal Jouanno l’adore mais Rachida Dati le déteste. De lui on pourrait utiliser le même adage qu’il réservait à Philippe Séguin, ancien chef du village gaulois : « Il a l’astuce d’Astérix, la force d’Obélix et la sagesse de Panoramix. Mais parfois, on se demande s’il n’a pas oublié la recette de la potion magique ».
Nul ne sait pour l’heure ce que donnera ce combat de coqs pour la succession officieuse de Nicolas Sarkozy. Il parait évident à tout le monde que se joue là le nom du candidat UMP aux élections présidentielles de 2017. C’est pourquoi la présence d’Alain Juppé et de François Fillon étonne. Atteints par la limite d’âge, l’un a renoncé à son mandat de député et l’autre semble vouloir gagner la mairie de Paris manquée par Philippe Séguin en 2001. Jean-François Copé et Xavier Bertrand sont dans la bonne génération mais ils sentent déjà le souffle court de la suivante dans le dos avec NKM, Laurent Wauquiez, Bruno Le Maire et Valérie Pécresse.
C’est une première à droite. En 1976, Jacques Chirac créait le RPR pour critiquer le président Valéry Giscard d’Estaing. Il était sans rival, seul le pétard mouillé du ticket Pasqua-Séguin ayant tenté de le supprimer en 1990. Philippe Séguin en a pris la présidence à Alain Juppé en 1997 pour la perdre dès 1999 et « le meilleur d’entre nous » la récupérait dès 2002. Pris dans ses déboires judiciaires, il la perdait dès 2004 au profit de Nicolas Sarkozy qui ne la lâcherait plus, la laissant seulement en viager à Patrick Devedjian et Xavier Bertrand.
Jusqu’au coup de force de Jean-François Copé, qui s’est nommé secrétaire général en 2010 en forçant la main tremblante du président. Le hold up parfait. Depuis l’ancien président du groupe UMP à l’assemblée a bien géré l’organisation de la campagne présidentielle malgré la défaite et l’intérêt qu’il pouvait y porter. Mais le putsch n’est donc pas une habitude à droite. Seule l’élection du président du RPR en 1999 où Michèle Alliot-Marie bat Jean-Paul Delevoye, Patrick Devedjian et déjà François Fillon a vu un semblant de combat. Vraiment semblant.
La force en mouvement de l’UMP a joué l’union et le rassemblement contre la division et l’individualisme. Les temps ont changé. Même si ces débuts de guerre des chefs ressemblent plutôt à un bal des élégants vu le pacte de non-agression officieux signé durant la campagne législative pour ne pas perdre trop de députés, ce sera un massacre quand même. La droite dure a resurgi avec Jean-François Copé qui le seul à avoir toujours rêvé d’être président comme Nicolas Sarkozy. Il ose dire ce qu’il pense et il ose penser ce qu’il dit. Il a compris que l’échec de la droite venait du fait qu’elle a mené la politique de l’adversaire au lieu de mener la sienne.
Le contexte est difficile après une défaite. Alain Juppé est un candidat de droite plein de droiture, mais il est trop vieux et malchanceux. Xavier Bertrand est un candidat candide, et n’a qu’un bilan de gentil organisateur. Il ne reste que François Fillon, le pire à l’exception de tous les autres et l’alternative par défaut à Jean-François Copé que tous veulent éviter. On aura droit à un duel et tous rallieront le sarthois, qui gagnera la primaire mais qui au contraire du quadra n’a aucune chance d’être président. Il n’est pas assez clivant et guerrier pour la grande guerre.