« Quand on ne sait pas où l'on va, tous les chemins mènent à nulle part »
Henry KISSINGER (1923) – Homme politique américain et en bonne voie
Cela a eu lieu en 1905 : le tsar de toutes les Russies Nicolas II reçoit son cousin le kaiser allemand Guillaume II sur la petite île de Björkö. Les deux souverains signent un accord qui préfigure déjà le pacte de non-agression de 1939, où ils se promettent de ne pas s’attaquer et de s’assurer une assistance mutuelle en cas d’agression par une tierce puissance. Mais Nicolas II a oublié qu’il a déjà passé ce pacte avec la France. Il dénonce le traité qu’il vient de signer et se met l’Allemagne à dos. C’est le syndrome de Björkö : du n’importe quoi en politique étrangère.
La diplomatie requiert de grandes qualités, et pas simplement celle d’être diplomate. Il faut être extrêmement fiable pour inspirer confiance à ses partenaires. Cela passe par de la continuité dans ses choix de politique extérieure : tous les dirigeants d’un pays, quelques soient leurs couleurs politiques et leurs querelles intérieures, doivent soutenir les mêmes positions. Le pire pour un pays est de changer brusquement d’avis. Les autres ne savent alors plus s’ils ont à faire à un Etat souverain ou s’ils sont en affaire avec un gouvernement qui suit sa seule idéologie.
La France devrait méditer la leçon. François Hollande a annoncé brutalement le départ de nos troupes d’Afghanistan à la grande surprise de nos alliés qui auraient encore eu besoin de nous. Mais il n’est pas le seul fautif. Nicolas Sarkozy avait déjà rompu la ligne gaullienne de la grandeur et de l’indépendance nationale en développant sa lubie atlantiste par un retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN en 2009. Elle n’y était plus depuis 1966.
Les consensus de politique étrangère restent néanmoins encore nombreux en France. Il y a la sécurisation de l’Afrique, le soutien au monde arabe et le couple avec l’Allemagne. C’est bien parce que ces vérités inquestionnables sont démenties qu’il faut se remettre en question. La mollesse sur le dossier de la Syrie vient ainsi d’une seule et unique cause : la France croit se baser sur des certitudes or ses positions sur l’évolution du monde sont plus qu’incertaines.
On parle pompeusement de la place de la France dans le monde. Elle défend la paix et les droits de l’homme car elle en est la patrie et elle justifie son siège permanent au conseil de sécurité de l’ONU. N’étaient les heureuses interventions de Nicolas Sarkozy en Géorgie et en Libye, on se demanderait à quoi elle sert. Elle est de plus en plus critiquée pour son manque de subtilité. Le même Nicolas Sarkozy a réussi à se mettre à dos en un mandat l’Iran, la Chine et la Turquie. Cela fait beaucoup pour un président qui était censé porter l’honneur de la France.
La France recule sur les gros sujets parce qu’elle n’a pas de vision. Comme sur le conflit israélo-palestinien. La Palestine va retrouver son indépendance mais Israël résiste toujours. Elle veut garder sa capitale religieuse Jérusalem et ses réserves en eau en colonisant les enclaves qui divisent le peuple arabe. On croyait que le messie Barack Obama résoudrait la faim dans le monde, la fin du monde et même la méchanceté. Malgré son discours du Caire et son Prix Nobel, il n’est qu’un homme comme les autres. Et la France a délaissé le problème aux autres.
L’Europe aussi, qui malgré l’inutile Catherine Ashton est sans diplomatie ni stratégie de politique étrangère. On cherche toujours son numéro de téléphone. Or l’Europe est la plus grande chance de la France, ou du moins sa dernière. Elle aura toujours un rôle dans le monde, or la France aura toujours un rôle en Europe. C’est géostratégique : il faut tout miser là-dessus. C’était déjà l’intuition gaullienne. Elle sera la solution du juste milieu et du lien entre la pauvre Europe du sud et la riche Europe du nord. Cela remettrait la France à sa place et en sa place.
La politique étrangère, c’est finalement du tact et du doigté. Il faut être fin négociateur et on peine à mettre le nom de François Hollande dans la même phrase. On l’imagine mal marchander avec des demandes impossibles à satisfaire en faisant semblant d’être pressé pour au final simuler de grandes concessions. Comme Joseph Staline, qui feignait l’ennui à l’écoute de ses interlocuteurs avant soudain que son visage ne s’éclaire quand il entendait ce qu’il voulait entendre. Au moins il est discret et ne laisse pas fuiter les secrets d’Etat. C’est la sous-base.