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16 août 2012 4 16 /08 /août /2012 04:49

« Les français sont des veaux »

 

Charles de GAULLE (1890-1970) – Ancien président et parlant français

 

 

C’était la seule promesse du programme présidentiel de François Hollande et c’est bien la seule qu’il pourra tenir : une conférence de presse tous les 6 mois pour faire le point sur la situation du pays. Ce discours sur l’état de l’union ou plutôt sur l’état de l’Etat veut rappeler les grandes conférences de presse du Général de Gaulle. Comme celle du 31 janvier 1964 où il dit non à l’Angleterre et définit sa vision du pouvoir personnel. C’était un bon argument pour faire président avant le 2ème tour alors que les journalistes enamourés accouraient avec leurs micros.

 

Une conférence de presse tous les six mois, c’est un prétexte pour ne pas parler entre-temps. François Hollande imite la stratégie de raréfaction médiatique de François Mitterrand à la fin de son premier mandat. Il sait que cela émaillera avantageusement sa présidence discrète derrière son 1er fusible Jean-Marc Ayrault. Déjà durant la campagne, il n’avait pas expliqué son programme et avait parlé pour ne rien dire pour ne pas s’engager. Il a dit des lieux communs.

 

 Des lieux communs, c’est ce qu’a visité Nicolas Sarkozy durant tout son mandat. Il a fait des points presse dans les villages les plus improbables et les décors les plus dégradants pour l’honneur de la république, de l’Etat et de la France. Son hyper-présidence était une hyper-présence, protocolaire et médiatique. Le peuple en a eu assez et est devenu insensible et sourd à ce bruit qu’il entendait sans écouter et à ces gesticulations qu’il voyait sans regarder. La perte de confiance dans la politique n’est pas à chercher ailleurs que dans le trop-plein de politique.

 

On remerciera François Hollande de revenir à plus de discrétion. Au moins il évitera de se faire contester en direct par un jeune con ou de répondre grossièrement aux interpellations de ses concitoyens. Cette pudeur déplacée recolle avec des grands mythes de la vie politique française. François Mitterrand, en grand maître du temps, avait imposé deux moments pour que le président parle aux français. Le 14 juillet, pour faire le point sur l’année en cours. Le 31 décembre, pour annoncer les sacrifices de la suivante. Un par solstice. Le fait que François Hollande y revienne renoue avec la légitimité historique et rompt avec la rupture présidentielle.

 

Mais un président qui parle aux français doit aller au-delà de la gestion de la saisonnalité politique et de l’emploi du temps de sa précieuse parole présidentielle pour être légitime et incontournable. Il doit murmurer à l’oreille des français son amour de la tradition de la France profonde. Il doit avoir toujours rêvé d’appartenir à l’histoire du pays. Il doit aimer le terroir et avoir son lieu de pèlerinage. François Mitterrand avait la Roche de Solutré, Nicolas Sarkozy avait le Plateau des Glières, François Hollande aura les Pendus de Tulle.

 

C’est pourquoi il est triste que la visite au Salon de l’agriculture recule devant le dîner du CRIF. La venue à une étape du Tour de France est une bonne idée, surtout si le président suit l’étape depuis la route comme tout le monde et non dans la voiture officielle. En 1960, Charles de Gaulle avait fait arrêter le peloton à Colombey-les-Deux-Eglises et béni le maillot jaune. En 1998, Jacques Chirac avait suivi en camping-car l’étape corrézienne. En 2007, Nicolas Sarkozy avait assouvi sa passion pour le vélo même s’il s’y connait plus en coca-cola qu’en fromages de pays. En 2012, François Hollande a suivi la caravane publicitaire mais il préfère le foot.

 

L’important n’est pas tant le nombre de discours que leur poids. Le passage au journal de 20 heures a bien plus de poids que toutes les conférences de vœux de début d’année. Il faut transmettre du sens. Les français sont trop enclins à se laisser aller et à ne plus prendre en main leur destin, quand les choses vont mal et plus encore quand elles vont bien. Il faut donc les remobiliser pour les protéger contre la menace de la décadence. François Hollande n’est pas de ce genre-là. En bon capitaine de pédalo, il ne parle ni pour se vanter ni pour motiver.

 

Il est vrai que le contexte de crise n’est pas à la hauteur du personnage, qui fait de la politique au lieu de faire l’histoire. Sa stratégie du silence n’est pas innocente. En ne parlant pas, le président compte laisser s’égosiller l’opposition en querelles polémiques avant d’en recueillir les fruits dans les urnes. Il sait ce que sait puisqu’il a été 11 ans 1er secrétaire du PS. Mais il y a une faille : les français aiment qu’on leur parle. Même pour ne rien dire. Cela fait au moins un bruit de fond pour faire écho à leurs pleurnicheries et à leurs braillements bovins.

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14 août 2012 2 14 /08 /août /2012 22:54

« Quand j’étais petit, on m’a dit que n’importe qui

pouvait devenir président. Je commence à le croire »

 

Clarence DARROW (1857-1938) – Avocat américain et qui raconte des salades

 

 

Nous sommes en 2007. Nicolas Sarkozy est président de la république et superstar de la politique. Tous les grands leaders de la gauche sont au tapis à commencer par DSK, battu dès la primaire par Ségolène Royal en 2006. Alors qu’il coule des jours tranquilles dans son Riyad de Marrakech, son vieil ami l’inamovible président de l’Eurogroupe Jean-Claude Juncker lui annonce que le poste de directeur général du FMI se libère et qu’il est pour lui. Les jours suivants, Nicolas Sarkozy fait une campagne active en faveur du socialiste qui est facilement élu à la tête de l’institution new-yorkaise. Sans se douter qu’il le remettait là dans le jeu pour 2012.

 

L’ancien président - qui espère aussi revenir dans le jeu grâce à une faveur de ses rivaux - est habitué. Il a replacé Dominique de Villepin sur le devant de la scène en l’attaquant dans le procès Clearstream. Il a remis Jean-François Copé en selle en l’excluant du gouvernement pour ensuite mieux le nommer secrétaire général de l’UMP. Il a ramené Alain Juppé dans le jeu, qui en 2007 n’avait plus aucun mandat national et qui a fini le quinquennat n°2 du gouvernement.

 

Il a brillé alors qu’on croyait qu’il avait sombré. D’abord nommé ministre de la défense en 2010 surtout pour s’occuper des anciens combattants et cela tombait plutôt mal vu son âge, il est devenu ministre des affaires étrangères en 2011 en remplacement de l’imprudente Michèle Alliot-Marie après avoir déjà réussi au quai d’Orsay dans une autre vie. A la surprise générale, il a incarné mieux que quiconque le volontarisme sarkozien en Libye et sur la Syrie. Les deux ex meilleurs ennemis se sont rapprochés et on a cru que l’un serait candidat à la place de l’autre.

 

Cela aurait pu être envisagé. Nicolas Sarkozy incarnait la droite libérale orléaniste alors qu’Alain Juppé incarnait la droite gaullienne bonapartiste. Il pouvait se différencier comme le vieux sage qui prend le relais du jeune fou. Nicolas Sarkozy voyait l’échec s’avancer et sa femme l’encourageait à ne faire qu’un mandat. Il aurait pu le convaincre de se rallier à lui et à l’union de toutes les familles de la droite. Martine Aubry aurait pu être son adversaire et elle avait à son passif la loi antisociale des 35 heures. Par contraste, il aurait gagné facilement.

 

Au final il n’a pas osé se présenter et a même prouvé durant son débat passable contre François Hollande qu’il ne serait sûrement pas passé. Il a montré des signes de velléités d’envie de se présenter à la présidence de l’UMP. Tout le monde sait qu’il ne le fera pas car le passage est bouché par le duo Fillon-Copé. Son intérêt est ailleurs : il ne doit pas cultiver le conflit mais faire le consensus autour de lui en vue d’une opportunité future. Il ne faut pas insulter l’avenir.

 

On lui a déjà trouvé un point de chute : l’Europe. Ce serait un sommet pour cet homme d’Etat qui n’a jamais été chef de l’Etat mais qui mériterait de laisser une trace dans l’histoire. L’Europe est à un tournant de la sienne et doit survivre à une crise qui l’a cruellement affaiblie. Il faut un grand homme et l’actuel président du conseil européen, l’affable belge Herman Von Rompuy, n’a pas le profil. C’était le président fantoche idéal pour ne pas gêner le Merkozy show. Alain Juppé ne sera jamais président de la république. Il peut être président de l’Europe.

 

A 67 ans, il peut être ce vieillard héroïque choisi par le destin pour sauver le peuple en péril du déclin. Il a suffisamment de convictions européennes pour reconnaitre les mérites de Daniel Cohn-Bendit. Il est suffisamment consensuel et compétent pour faire l’unanimité autour de lui. Il a même déjà été pressenti pour devenir président de la commission européenne à la place de José Manuel Barroso, mais il avait encore des choses à faire en France. Après avoir mené la diplomatie française, il pourrait mener la diplomatie européenne face au monde.

 

Il suivrait cette tradition d’hommes politiques qui ont fait l’Europe sans faire la France : Jean Monnet, Robert Schuman, Jacques Delors. Il prendrait place aux côtés de ces glorieux noms de l’histoire européenne : Konrad Adenauer, Paul-Henri Spaak, Altiero Spinelli. Surtout il serait capable de mener l’Europe vers son avenir, qui sera certainement plus fédéral après la crise même si cela ira par étapes. Il devra accélérer le rêve européen qui a trop stagné depuis la chute du mur de Berlin et le traité de Maastricht. Et peut-être qu’il réussira à se faire élire par les citoyens européens, dans la pure tradition gaullienne. Ce sera le président de l’Europe.

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13 août 2012 1 13 /08 /août /2012 23:10

« Dans le changement nous pouvons croire »

 

Barack OBAMA (1961) – Président américain et réformateur décevant

 

 

C’est le 14 août. Cela fait 100 jours que la gauche a gagné les élections présidentielles le 6 mai 2012. Le changement n’a pas interrompu le quotidien des français, pas plus que les chars russes en 1981. Il faut que tout change pour que rien ne change, ou sûrement le contraire vu ce qui arrive. Depuis le sacre de François Hollande, les élections législatives ont donné la majorité au gouvernement qui a eu une session parlementaire extraordinaire qui n’en avait que le nom. Maintenant l’opposition va se réorganiser, et les ennuis vont commencer pour de vrai.

 

C’est la fameuse théorie des 100 jours. Un gouvernement nouvellement élu aurait 100 jours pour apporter des réformes profondes à un pays et faire adopter les mesures les moins populaires de son programme. Une fois passé ce délai, l’opposition sort de son inaction et les forces sociales de leur inertie pour se mobiliser contre la majorité. C’est donc un moment où il faut agir vite, fort et bien. C’est une période significative pour juger l’action d’un gouvernement. Elle est chargée de symboles depuis les 100 jours du retour gagnant mais perdu de Napoléon.

 

Les exemples qui valident cette thèse invérifiable ne manquent pas. En 1932, Franklin Roosevelt gagne les élections présidentielles des Etats-Unis en pleine crise de 29 et lance le New Deal. Le pays retrouvera la croissance et l’emploi et il sera élu sans discontinuer jusqu’en 1945. En 1979, Margaret Thatcher est élue 1ère ministre de Grande-Bretagne après un lustre de gouvernement travailliste inefficace. La fille d’épicier libéralise d’entrée l’industrie minière et redresse le pays qu’elle dirigera d’une main de fer jusqu’en 1990. En 1981, François Mitterrand devient président de la république et applique les mesures sociales de ses 110 propositions. Il a bien fait de le faire avant le tournant de la rigueur qui a terni sa mandature jusqu’en 1995.

 

Agir dans les 100 jours, c’est se donner les moyens de gouverner 15 ans et c’est montrer que l’on a réfléchi à son programme avant d’être élu. En 1995, Jacques Chirac n’avait rien fait de son été et l’avait payé cher en automne. C’est là où un président imprime la marque de son projet et de son futur bilan. En 2007, Nicolas Sarkozy avait opté pour le bouclier fiscal pour signifier que c’était le plus important à ses yeux. C’est là où un gouvernant explique sa vision du pays. En 1969, Jacques Chaban-Delmas lançait la nouvelle société et les français y avaient cru.

 

François Hollande a commencé son mandat sans opposition majeure, or c’était attendu si l’on s’en réfère à la théorie des 100 jours. Mais il n’a pas prévu d’axe majeur pour exprimer un projet intelligible aux français. Le spécialistes auront décelé dans les propos du 1er ministre Jean-Marc Ayrault l’expression faite exprès du « redressement dans la justice », utilisée autant le soir des élections législatives que le jour du discours de politique trop général. Mais ce sont des éléments de langage. La mise en œuvre est imprécise et pour l’heure, le redressement productif ne passe que par des remontrances déplacées aux patrons d’entreprises qui ferment. Sinon, la gauche a aussi détricoté l’héritage fiscal de Nicolas Sarkozy. Sans rien proposer d’alternatif.

 

Ces 100 jours sont le péché originel de François Hollande. En 2017, les français se souviendront qu’il a passé son précieux temps à faire la leçon à son prédécesseur en jouant les modestes mais qu’il ne s’est guère montré plus efficace. L’un était hyperprésent et extraverti, lui est intronisé et hyperdiscret. L’un a fait des effets d’annonce et réagi aux faits divers, l’autre a en effet annoncé qu’il a fait diversion. L’un a réformé une fois de trop le code des impôts contre la dette, l’autre l’a révisé une fois de plus par-dessus le marché. Le président socialiste ne nous a pas encore perdus sur le sens de ses priorités. Mais il devra se limiter à quelques projets par an.

 

François Hollande a pourtant des exemples à imiter. En 1936, Léon Blum changeait la vie des ouvriers avec les accords de Matignon et le Front populaire retenait la leçon du Cartel des gauches de 1924 qui n’avait pas pu gouverner à cause du mur d’argent. En 1954, Pierre Mendès France gouvernait 100 jours et terminait la guerre d’Indochine en montrant qu’il vaut mieux agir vite que longtemps pour marquer l’histoire. En 1988, Michel Rocard imposait avec célérité sa méthode avec la CSG et le RMI car il avait le président contre lui. En 1997, Lionel Jospin étalait les réformes de la gauche plurielle sur cinq ans pour cumuler le mécontentement.

 

C’est cet exemple que François Hollande va suivre et il a trouvé la méthode idéale pour aller lentement : la concertation. Il veut consulter tous les acteurs sociaux - mais pas l’opposition parlementaire, un comble - pour montrer qu’il les respecte et qu’il gouverne avec tous. Or on préfèrerait qu’il consulte en privé et décide seul au lieu de décider en public et de consulter tout le monde. C’est le plus sûr moyen d’arriver à des demi-mesures qui ménagent tous les intérêts en conflit. C’est la méthode technocrate qu’utilisait Lionel Jospin. C’est bien si on a plus de 100 jours.

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