« Evitez soigneusement de faire du sport : il y a des gens qui sont payés pour ça »
Stephen LEACOCK (1869-1944) - Ecrivain canadien et sportif du canapé
Aujourd’hui s’ouvrent à Londres les XXXèmes Jeux Olympiques d’été de l’ère moderne. Si le sort l’avait voulu, ils auraient pu avoir lieu à Paris. Mais le 6 juillet 2005, le CIO en a décidé autrement dans la stupeur générale. La France ne manquait pas d’atouts : des stades déjà construits, des piscines prêtes à l’être, des vélodromes en chantier. Elle avait aussi d’indéniables handicaps, de son manque de pratique du lobbying aux grèves syndicales le jour de la visite des examinateurs en passant par le manque de cohésion autour de sa candidature.
La France n’est pas un pays très sportif. Le défaut de coopération de ses dirigeants ne se limite pas aux financements croisés et aux grands équipements mais touche aussi l’organisation de manifestations sportives. On comprend que les élus locaux n’aient aucun intérêt à dépenser leur précieux argent dans des équipements d’excellence pour l’accueil de grands événements sportifs quand la majorité de la population s’en désintéresse voire rejette frontalement le projet.
Alors la pratique sportive en France est le fait d’amateurs qui bénéficient de toutes les aides qu’ils souhaitent. Les clubs de cyclotouristes à la retraite ont leurs subventions, les enfants des écoles ont leur terrain de basket et les clubs de foot ont leurs plots et leurs chasubles. C’est heureux, mais cela dénote une mentalité bien française qui consiste à favoriser la massification du sport-loisir et non la recherche de l’excellence, seule porteuse de résultats et de médailles.
Tout a commencé en 1936. Alors réservé à une élite pour briller au plan international et réclamer l’Alsace-Lorraine à l’Allemagne, le sport est devenu une pratique commune grâce au Front populaire et à son ministre de la paresse Léo Lagrange. De cette époque date la construction des stades de villes comme Bordeaux et Lyon qui ne seront remplacés que pour l’Euro 2016 mais aussi de nombreux courts de tennis, gymnases et piscines municipales. Pendant ce temps, l’Allemagne hitlérienne faisait du sport d’élite la vitrine de sa propagande.
Depuis la mentalité française ne s’est jamais bien éloignée de cet amateurisme éclairé et obscur, qui la fait se contenter de l’accès de tous au sport alors que le pays brille moyennement dans les compétitions et n’en retire aucun bénéfice d’image. Longtemps la France a récolté peu de médailles aux olympiades, notamment dans le sport roi de l’athlétisme qui signale l’état de santé sportive d’une nation. La France reste un pays exclusivement concentré sur le football où il obtient des résultats piteux et veut pratiquer une grande variété de sports sans se spécialiser.
Elle est forte pour organiser - la Coupe du monde, les championnats d’Europe, le Tour de France - mais pas pour gagner. Elle gave ses collégiens de handball sans le passer à la télé et les dégoûte de pratiquer en club à trop les sevrer d’heures de cours consacrées à la matière. Bernard Laporte voulait imiter le modèle allemand d’une après-midi de sport par jour mais il a vite été renvoyé à ses études. Mieux vaut un esprit sain qu’un corps sain ou les deux ensemble.
Ce sont des jeux interdits. La France n’est pas une nation sportive car elle n’en a ni la culture ni la motivation, ni la passion ni les résultats. Le sport est plutôt otage du discours politique, qu’il serve à vanter un bilan (Nicolas Sarkozy qui parade à la coupe du monde de rugby en 2007) ou à sanctionner un pays (François Hollande qui boycotte l’euro de football en Ukraine). Les gaffes de ministres dénotent l’importance qu’on lui accorde, du handball qui se joue au pied de Rama Yade aux brésiliens qui jouent en équipe de France de Chantal Jouanno.
Loin de l’idéal de Pierre de Coubertin, il est devenu un sujet de société au lieu de rester aux sportifs. Mediapart lance la polémique des binationaux et Roselyne Bachelot qualifie le hold up contre l’Irlande avec les mêmes mots que Léon Blum pour les accords de Munich de 1938 : « Je ressens un sentiment mitigé entre un lâche soulagement et une grande inquiétude ». Les autres pays ne font pas le même sport que cette France peu dynamique qui ressort parfois le bras vengeur. De la génération black blanc beur en 1998 au bus de Knysna en 2010, le sport incarne plus que jamais la décadence française et c’est pourquoi une bonne cuvée à Londres serait du meilleur goût.