« Il est dur d'échouer, mais il est pire de n'avoir jamais tenté de réussir »
Franklin Delano ROOSEVELT (1882-1945) – Ancien président américain et déjà Delanoë
C’est l’aPSement. Le parti socialiste est revenu au pouvoir après dix ans de disette et il y règne une paix suspecte après tant de disputes de personnes et de division interne. La primaire que ce parti sans imagination a copiée des Etats-Unis a au final réglé le problème qui le minait depuis une décennie : l’absence de leader. Le scrutin majoritaire a clairement élu candidat du parti François Hollande pour mener les troupes au pouvoir. Adieu les motions de congrès au scrutin proportionnel et l’inefficace direction collégiale du bureau politique de Solferino.
Soudain il règne un climat iréniste d’absence de conflit qui contraste trop avec le passé pour être honnête. Martine Aubry a lancé un ticket commun avec Jean-Marc Ayrault pour que l’élection du 1er secrétaire soit une formalité sans dégâts ni polémique et que les fractions soient en effraction. Les courants sont morts et Ségolène Royal n’a plus de désir d’avenir. Le cimetière des éléphants se remplit des Fabius, Lang et Jospin qui renoncent à leurs ambitions élyséennes.
Mais des congrès restent dans la mémoire. En 1969, le congrès d’Alfortville crée le PS sur les décombres de la SFIO mais c’est vraiment le congrès d’Epinay de 1971 qui donnera à François Mitterrand le dessus sur Alain Savary. En 1979, Michel Rocard menace la candidature du 1er secrétaire aux élections présidentielles au congrès de Metz. En 1990, le congrès de Rennes montre le naufrage idéologique du parti avec le duel Jospin-Fabius qui se solde sur un match vraiment nul. En 1994, le congrès de Liévin désavoue le 1er secrétaire Henri Emmanuelli au profit de Lionel Jospin. En 2005, François Hollande et sa synthèse peinent à obtenir une majorité au congrès du Mans après un triste congrès de Dijon en 2003, un an après le drame.
C’est en meeting à Dijon que François Hollande a promis la victoire au printemps. Cet automne, tout le monde repensera au congrès de Reims de 2008 qui ne laissait rien augurer de bon quant à la rénovation. Cette fois, la paix est au PS et c’est la droite qui est en pleine guerre des chefs et craint une élection à 50-50. Cela fait perdre des années. Or en janvier le faux noble Arnaud Montebourg promettait un nouveau parti comme en 1969 en cas de nouvelle défaite, faisant s’étrangler tous les apparatchiks. L’avenir ne tient décidemment pas à grand-chose. En 2008, Bertrand Delanoë envisageait sérieusement de prouver son audace et de prendre le parti.
Le socialisme français se retrouve à l’épreuve du pouvoir et il devra retenir les leçons du passé. Son programme irréaliste laisse craindre qu’il n’ait pas vu que le monde a changé en son absence tant il croit que la gauche peut changer le monde. Mais François Hollande a d’emblée adopté la pause dans les réformes comme le Front populaire en 1936, avant les premières réformes. Il prend le contrepied de ceux qui attendaient un tournant à gauche sous l’impulsion d’un Benoit Hamon sans charisme ou à droite sous la houlette d’un Manuel Valls sans charme.
Ceux qui attendaient le socialisme de Jaurès et de Blum se contenteront des discours de Nicolas Sarkozy. François Hollande n’en a pas repris les idées et préfère les modèles de Pierre Mendès France et Jacques Delors, bien plus modérés. C’est le tournant social-démocrate du socialisme à la française. En 1985, le PS prenait son virage réformiste au congrès de Toulouse en condamnant la dictature du prolétariat. Mais il reste le plus obstinément à gauche d’Europe et ses homologues mènent des politiques plus à droite que l’UMP. Laurent Fabius avait cru bon de voter non au référendum européen de 2005 pour être candidat en 2007. Il l’a payé en 2006.
Le PS va peut-être connaitre son Bad Godesberg et passer à droite. Il ne s’agit plus de reconnaitre l’économie de marché en la saupoudrant de discours social, mais de renoncer à la civilisation des loisirs et des 35 heures, à la retraite à 60 ans et aux tickets-restaurant. La crise devrait l’y aider. Le silence de la gauche de la gauche aussi, qui permettra la fin de la division et l’union du peuple de gauche autour d’un grand parti. Le congrès de Tours à l’envers, enfin.
Au contraire la division touche aujourd’hui la droite mais il faut se méfier de l’eau qui dort. Alliés dans le gouvernement, le PS et ses partenaires pourraient repartir en rangs dispersés en 2017 comme en 2002 pour un nouveau coup de tonnerre. En 1978, François Mitterrand avait montré dans « L’abeille et l’architecte » que la stratégie d’évidement du PCF visait le seul bien du peuple de France. En 1980, il écrivait dans « Ici et maintenant » que la gauche devrait rester elle-même pour réformer le pays. Mais a-t-on envie de se battre quand on est en paix ?