« Il faut faire dégager Sarkozy et toute sa bande »
Philippe POUTOU (1967) – Ouvrier français et militant du NPA
1956 : Nikita Khrouchtchev publie le fameux rapport secret du XXème congrès du PCUS et entame là le processus de la déstalinisation. Une rupture avec la terreur imposée par Joseph Staline dont le culte de la personnalité avait même fait s’entasser des foules en pleurs pour son enterrement, provoquant quelques morts de plus au palmarès du dictateur. Le cas est connu car il symbolise le droit d’inventaire en politique. Aucune génération n’est liée à jamais par la précédente et aucun leader n’est assez grand pour mériter le culte perpétuel de ses successeurs.
2013 : Jean-François Copé est le président d’une UMP en lambeaux, déconfite par une défaite à l’élection présidentielle et défigurée par une élection interne catastrophique pour son image. Lui aussi serait en droit de faire le procès d’un autre chef disparu, parti en retraite forcée après avoir reçu un grand coup de pied dans le derrière par les français. Ce leader c’est Nicolas Sarkozy et il ose encore croire à son retour qui serait la plus mauvaise chose qui pourrait arriver à la droite. Si ça n’a pas marché en 2007, comment croire que ça pourrait marcher en 2017 ?
Il faudra bien un jour analyser la défaite de 2012 et le moment est peut-être venu à un an des élections municipales de 2014. Le marché de dupes avec François Fillon ayant réussi à repousser la prochaine guerre des chefs à septembre, le temps qui viendra d’ici-là pourra servir à relancer efficacement l’UMP pour qu’elle engage enfin l’opération reconquête. Le militant, la nouvelle star du parti, pourra participer largement à cette refondation des idées. Il faut renoncer à certaines voies pour qu’émerge une vision commune, mais cela clarifiera le combat du parti.
Rien ne dit que la droite décomplexée portée par Nicolas Sarkozy et la tactique Buisson sera sacrifiée sur l’autel de la droite modérée et de la tentation centriste. Les français attendent un discours simple et intelligible, et non une pâle copie de l’UDI. C’est par contre la personne de l’ancien président qui devra être jugée durement à l’heure des bilans. Si l’affaire Bettencourt pourrait le mettre définitivement sur la touche, les caciques de l’UMP devront finir par dire ce qu’ils pensent vraiment de lui au lieu de continuer niaisement à défendre son bilan très mitigé.
Nicolas Sarkozy portait un magnifique programme en 2007. Celui de la droite comme on l’aime, avec les valeurs du travail, de l’autorité et de la nation. Mais il s’est révélé un piètre gouvernant à l’usage. Voulant instaurer un rapport direct avec l’opinion et un lien charnel avec les français, il a fini par les épuiser aussi sûrement qu’il les a monté les uns contre les autres en stigmatisant tour-à-tour les élites, les immigrés et les assistés. Adepte du face-à-face, c’est dos-à-dos et tel un vieux couple que sa relation avec la France s’est terminée. Ceci, dès janvier 2008.
Narcissique et désinhibé, il a dès le départ pris le pays en otage pour tel un imposteur le soumettre aux désirs de sa propre personne. En fan de téléréalité, il a cru raconter son histoire aux français or celle-ci ne les intéressait pas et c’est pour cela qu’ils n’ont pas aimé la présidence bling-bling et l’affichage de sa vie privée avec Carla. Fatigués par son remue-ménage médiatique, ils ont fini par vouloir un président normal alors que ce poste est si spécial. La désarkozysation c’est avant tout une décontamination de notre vie publique, malade de tant d’égocentrisme.
Il devenait sourd dès qu’on ne parlait plus de lui. Aveuglé par sa propre suffisance, il se gargarisait de courage alors qu’il a fait le choix de ne prendre aucune mesure impopulaire pour ne pas effrayer le peuple. Du Jacques Chirac sans Jacques Chirac. D’où sa manie de convoquer des commissions pour mieux retourner sa veste et démissionner de sa responsabilité. Un vrai gouvernant prend des décisions et assume ses choix or Nicolas Sarkozy a échoué dès qu’il fallait indiquer un chemin pour la France. Il aura passé son mandat à faire des effets d’annonce.
Nicolas Sarkozy ne doit pas redevenir président en 2017 car il a déjà prouvé qu’il était inefficace à cette fonction. Il est meilleur en campagne qu’au pouvoir, en communication qu’en politique, pour réagir à une crise que pour gérer le quotidien. Le volontarisme en bandoulière et pour seule méthode de gouvernement, il aura failli dans sa mission et c’est pourquoi il devra laisser leur chance à d’autres. Il vit son exil à l’Ile d’Elbe plutôt bien et l’idéal serait qu’il y reste. Mais il voudrait toujours plus : malheur à ceux qui ont de l’appétit, car ils auront encore faim !