Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
15 mars 2013 5 15 /03 /mars /2013 01:57
« Il ne peut y avoir de crise la semaine prochaine : mon agenda est déjà plein »
 
Henry KISSINGER (1923) – Diplomate américain et très occupé
 
 
Gouverner c’est faire croire. On a beaucoup critiqué dans l’exécutif socialiste actuel un pouvoir qui ne peut pas. Le gouvernement n’a pas de prise sur le chômage, pas d’impact sur la croissance, pas d’influence sur la sécurité. Mais ce serait résumer un peu trop vite la chose. Le pouvoir ce n’est pas seulement agir, c’est aussi faire le débat. Et faire débat. Être en mesure de faire l’agenda des problèmes les plus urgents à régler. A ce jeu, la gauche n’est pas maladroite.
 
Une politique publique ne tombe pas du ciel. Elle n’est menée que si les gens pensent qu’il y a un problème à régler. Il fut un temps où la sécurité routière n’alarmait personne. Et les choses ont changé. Tout l’enjeu est de définir quel problème mérite de quitter le cadre privé pour faire l’objet d’une politique publique. Les socialistes ont réussi à nous faire gober que le droit des couples homosexuels à avoir un enfant en était un. C’est un véritable coup de force.
 
Le mariage pour tous en est un autre. Le pouvoir c’est le pouvoir de nommer. Or le fait qu’on ait utilisé ce terme pour parler du mariage homosexuel montre que le gouvernement a non seulement réussi à mettre le sujet à l’agenda mais qu’il a en plus réussi à le cadrer selon sa vision du problème. On n’accordait pas un droit à une minorité, mais on mettait tout le monde à égalité. En face de cela, la droite n’a pas su imposer une vision alternative de la question.
 
L’art politique c’est dire aux gens ce à quoi ils doivent penser et ce qu’il faut en penser. Définir la guerre au Mali comme un sujet plus urgent que la lutte contre les plans sociaux dans les entreprises. Définir le sens politique d’une révolte des banlieues ou de l’aggravation d’une statistique. L’important est de hiérarchiser et de construire les sujets qui rassasieront les médias. Dommage qu’une fois mises en place ces idées, on ne s’occupe pas de savoir si elles marchent.
 
La politique c’est la définition des controverses. Dire lesquelles sont importantes et dire comment les interpréter. Voilà les deux faces du pouvoir : prendre des décisions et rendre des arbitrages, mais surtout cadrer des problèmes et en cacher d’autres. On ne parle que de ce qui nous arrange, quand ça nous arrange, comme ça nous arrange. Le traité européen du MES était le traité de la rigueur en mars 2012. Il sera celui de la relance en octobre, avec le même texte.
 
La politique c’est la création des normes. Un gouvernement ne vote une loi que si elle répond à un besoin. Il faut au préalable un conflit et un débat avant qu’un sujet ne devienne politique car la politique c’est la gestion des problèmes qui affectent l’organisation collective. La situation des papas qui ne voient pas leurs enfants est injuste, mais elle ne concerne pas assez de monde pour devenir un enjeu politique. Pour une fois, la parité et la justice attendront.
 
Telles sont les règles du jeu politique : le pouvoir qui fait débat a avant tout le pouvoir de faire le débat. De prendre des décisions et de fuir les décisions. De penser un problème et de penser à un problème. Et éventuellement de proposer de fausses solutions. On ne mène jamais une politique par hasard. Elle vient toujours à point nommé pour détourner l’attention ou la tourner dans le bon sens. Car le comportement dépend des interprétations qu’on fait.
 
Pour l’instant, la gauche de François Hollande est aussi nulle que la droite de Nicolas Sarkozy pour résoudre les problèmes des français. Mais elle est déjà meilleure pour les penser. Elle a réussi à faire croire que la dette de la France serait épongée par les riches, que la crise de l’école serait résolue par la réforme des rythmes scolaires et que la bataille pour l’emploi serait gagnée grâce au contrat de génération. L’opposition devra lui contester ce pouvoir-là, celui de faire le débat, vu que celui de prendre les décisions n’appartient de toute façon plus à personne.
Partager cet article
Repost0
14 mars 2013 4 14 /03 /mars /2013 01:51

« Le mal français est-il incurable ? »

 

Alain PEYREFITTE (1925-1999) – Homme politique français et déclinologue

 

 

Le déclin de la France est aujourd’hui une réalité suffisamment assumée pour que des hommes politiques la revendiquent. La France qui tombe, c’est l’argument de vente idéal pour tous les pessimistes et les sceptiques qui tapent sur le gouvernement en place. Sous Nicolas Sarkozy, Martine Aubry dénonçait la paupérisation de notre population avec un misérabilisme qui prête aujourd’hui à sourire vu ce que fait la gauche. Sous François Hollande, Jean-François Copé fustige notre perte d’influence internationale et on pleure que la droite ait fait pire.

 

Les symptômes de la décadence française sont connus. Notre pays accuse sur les pays émergents le retard économique qu’il mérite après avoir si peu loué les qualités du travail et du sacrifice ces dernières décennies. Notre pays recueille une misère sociale prévisible après tant d’années passées à louer son modèle d’intégration déficient et ses comptes publics déficitaires. Notre pays cultive une bile noire légitime faute d’avoir soldé les anciens comptes de son passé. Il vivra jusqu’à la tombe avec Vichy et l’Algérie sur la conscience, tels deux cancers incurables.

 

La France irréelle est une nation qui se replie sur elle-même, sur sa propre névrose. Elle est clairement schizophrène : socialiste et individualiste, libertaire et liberticide, réformatrice et conservatrice, croyante et athée, aveuglée et visionnaire. Elle veut changer et elle ne le fait pas. Elle doit changer et elle ne le peut pas. Toujours à l’heure de son clocher, elle est vieille quand le monde est nouveau. Elle a peur et elle a de quoi : le chômage, la précarité et le déclassement sont ses seuls horizons alors que la mondialisation paralyse ses perspectives de croissance.

 

Les causes du mal français sont en revanche mal élucidées. On comprend mal en effet pourquoi la France plus que les autres penche si aisément pour le fatalisme catastrophiste alors que sa situation n’est pas tellement plus désespérée que celle de ses voisins. Plus qu’ailleurs, le peuple se croit fini et éprouve de la nostalgie pour un âge d’or qu’il vivait à l’époque comme une souffrance. La France se plaint aujourd’hui bien plus qu’hier et bien moins que demain. Elle est éternellement insatisfaite. Par ses insuffisances. Par sa suffisance, sans doute aussi.

 

La pensée du déclin symbolise avant tout un déclin de la pensée. Ce défaitisme reflète une défaite de nos élites devant l’urgence de penser l’avenir. On préfère se comparer à un passé glorieux mais largement fantasmé au lieu d’inventer notre futur collectif. S’apitoyer sur son sort apocalyptique est toujours plus facile que de construire une vision commune. Au pessimisme de la raison il faut souvent substituer l’optimisme de la volonté, à moins que ce ne soit l’inverse. Le déclin de la France, c’est avant tout une crise de l’action qui appelle une action de crise.

 

Constater l’imparfait du présent est en effet souvent le premier pas vers un futur plus-que-parfait. Comme le passé simple n’est pas si simple, la critique de la société est constructive si elle amène à refuser l’immobilisme et à vouloir le changement. L’avenir ne se réalise pas, il se veut. Le futur n’est pas ce qui nous arrive, mais ce qu’on met en œuvre. C’est ce volontarisme qu’incarnait si bien Nicolas Sarkozy même s’il se résumait trop souvent à des moulinets du bras et que François Hollande n’arrive plus à porter. Il est plutôt dans l’attentisme. C’est volontaire.

 

Le président n’aime ni l’action ni l’activisme. Il sait que son pouvoir est plus fragile qu’il n’y parait alors il prend d’infinies précautions avant chacun des pas qu’il fait. C’est sans doute le problème principal de notre régime de la Vème République, celui de ne pas éduquer nos chefs à gouverner sans être esclaves des électeurs qui les ont élus. Au lieu de jouer les sauveurs et de tout faire pour que cela aille mieux, ils gèrent le quotidien à la petite semaine et espèrent que la chute ne sera pas trop dure. Mais l’important ce n’est pas la chute, c’est l’atterrissage.

 

La peur du déclin sera une pensée optimiste si on arrive à lui donner un sens. Si on veut qu’elle nous mène au sursaut. Si on travaille pour qu’elle nous emporte plus loin. L’adaptation aux crises nombreuses qu’a aujourd’hui à affronter la France est une sorte de dépassement de soi. En réchapper serait déjà une victoire tant le destin qui nous attend semble funeste. Ce mal français qui fait du bien, c’est celui qui nous pousse à constamment nous remettre en question et à tout remettre en question. Le doute fait avancer. Même s’il laisse peu de certitudes.

Partager cet article
Repost0
13 mars 2013 3 13 /03 /mars /2013 06:56
« Les circonstances sont bien peu de choses, le caractère est tout »
 
Benjamin CONSTANT (1767-1830) – Intellectuel français et très intelligent
 
 
Les chiffres ne sauraient mentir. D’après un sondage, 44% des électeurs qui ont voté pour François Hollande en 2012 pensent que le gouvernement va dans la mauvaise direction. Ce désaveu ne surprendra personne tant le bilan de la gauche au pouvoir est déstabilisant de médiocrité. Les socialistes ont fait à peu près tout à l’envers depuis qu’ils sont aux commandes, et ce n’est pas prêt de s’arrêter. Ils vont dans la mauvaise direction parce que leur direction est mauvaise, et le drame veut qu’elle ait à diriger la France pour encore quatre ans interminables.
 
Minable, voilà le mot qui qualifiera le mieux la triste initiative du président de taxer les ménages et les ultra-riches en pensant réduire la dette sans baisser les dépenses. Il a juste oublié qu’en agissant ainsi, il grèvera pour longtemps le dynamisme des acteurs économiques et les perspectives de croissance d’un pays déjà en proie au chômage et au manque de compétitivité. Le pacte de compétitivité qui reprend la vieille recette de droite du crédit d’impôt pour alléger les charges patronales n’est rien si on n’améliore pas le pouvoir d’achat des consommateurs.
 
Voulant construire un nouveau modèle français, la gauche détruit l’ancien qui marchait déjà très mal. Nicolas Sarkozy avait sauvé la France de la crise avec un plan de relance, François Hollande est en train de tout faire rater avec un plan de rigueur qui ne dit pas son nom. Ni tournant ni virage, sa volonté de s’arc-bouter sur l’objectif des 0% de déficit en 2017 va pourrir son mandat car il n’y arrivera pas et le futur du pays car il va dépenser bien trop d’énergie pour rien à vouloir y arriver. On préférerait qu’il se limite à faire passer le chômage sous les 10%.
 
Mission impossible, en tout cas vue la direction qu’il a prise et qui le mène plus vers des solutions simplistes de micro-économie tels les contrats de générations et les contrats d’avenir que vers les réformes structurelles d’une grande économie comme la flexi-sécurité et la montée en qualification de la main d’œuvre. La bataille de l’emploi est d’ailleurs perdue d’avance si on compte sur le seul dialogue social pour réformer le contrat de travail. Faire négocier et mieux encore s’entendre syndicats et patronat, c’est aussi difficile que d’abolir les 35 heures en France.
 
Mais François Hollande ne comptait pas établir son leadership sur l’économie puisqu’il va dans le même sens que la droite. On l’attendait plutôt sur des sujets de gauche mais il y est allé à marche forcée. Le mariage homosexuel, qu’il a fait adopter en étant assurément le moins convaincu de tous ses partisans. La réforme de l’éducation, qu’il mène avec bien plus d’air que de souffle et sans âme. C’est avec de la passion et en donnant le goût de la lecture aux enfants qu’on les sauve de l’échec scolaire. Pas avec une méthode globale, partielle ou fragmentaire.
 
Ce fiasco sera une ligne de plus à ajouter au palmarès des reculades, des reniements et des renoncements du résident de la république. Il n’est dès lors pas étonnant qu’après quelques mois d’aveuglement coupable et de merde dans les yeux, les sympathisants de gauche soient les plus déçus. C’est même la tragédie de la gauche : le vote-sanction est toujours plus dur avec elle car elle suscite beaucoup d’espoir et d’illusions chez les gens qui ont tôt fait de se convertir en désespoir et désillusions. Le changement c’était maintenant. Or tout est stabilité et devenir.
 
Une opposition d’opérette tente de voir le jour dans la majorité avec l’aile gauche du PS qui voudrait moins de guerre au Mali et plus de mesures pour la justice sociale. Jérôme Guedj, Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann sont peut-être les plus virulents anti-hollandistes primaires mais ils n’ont pas compris. Ils n’ont pas compris que François Hollande n’avait pas promis du socialisme mais de la social-démocratie, autant dire une méthode de gouvernement avant tout. « De la clarté, de la cohérence et de la constance », comme disait le candidat.
 
On a vu le résultat. Le président normal devait être un président qui réussit, or c’était la mauvaise direction. La mauvaise direction car la France s’oriente dans le mauvais sens avec ce gouvernement sans méthode. La mauvaise direction car le président n’a ni vision de l’avenir ni autorité pour l’imposer. Les événements le dirigent plus qu’il ne dirige les évènements, et c’est un euphémisme de dire que sa présidence est molle. Il a perdu une bataille avec la bataille de l’emploi mais il n’a pas perdu la guerre. Mais il y a quand même des blessés et des prisonniers.
Partager cet article
Repost0

À Propos De En Rase Campagne

  • : En rase campagne
  • : La politique est toujours en campagne, CARBONE 12 aussi ! Lancé à 100 jours du 2e tour des élections présidentielles de 2012 pour redonner de la hauteur à un débat qui volait bas, EN RASE CAMPAGNE est un blog qui commente la vie politique française.
  • Contact

L'EMPREINTE CARBONE

Projet de loi de finances : se serrer la ceinture ou baisser son froc devant Bruxelles, telle est la question. 

 

Retrouvez tous les billets "L'empreinte carbone" 1 2 3 4 5 6 7 

AU RAS DES PÂQUERETTES

Poisson d'avril de Ségolène Royal : les autoroutes gratuites le week end. Mais qui peut contrôler ce qui se passe dans son cerveau ? 

 

Retrouvez tous les billets "Au ras des pâquerettes" 1 2 3 4

DU CARBONE DANS LA CERVELLE

Entre deux meetings, Nicolas Sarkozy recommence ses conférences grassement payées à l'étranger. Cela pourrait le desservir. 

 

Retrouvez tous les billets "Du carbone dans la cervelle" 1 2 3 4 

Les Idees De En Rase Campagne