« Vous voulez que j’aille à la télévision en pyjama ? »
Charles DE GAULLE (1890-1970) – Ancien président et pas télégénique
« Depuis deux ans et demi je me cramponne ». C’est peut-être la phrase qui restera de l’émission consacrée au mi-mandat de François Hollande. C’est pas facile d’être président : le constat d’échec est touchant de sincérité. Y a-t-il encore un pilote dans l’avion ? Y a-t-il un patron à la tête de la maison France ? C’est à la fin de la foire qu’on compte les bouses et à la fin du bal qu’on paie les musiciens : mais n’est-il pas déjà temps de tirer un bilan du quinquennat, alors qu’on n’est qu’à la moitié ?
Cette émission dont personne n’attendait grand-chose aura tout de même réussi à décevoir. Ni bilan ni projet, François Hollande n’a fait aucune annonce mais s’est contenté de décliner de nouveau ses propositions sur le pacte de responsabilité. Il prétend encore laisser en 2017 une France « plus grande, plus forte, plus juste » qu’il ne l’a trouvée en 2012, n’ayant pas hésité à égratigner plusieurs fois le bilan de son prédécesseur Nicolas Sarkozy qui était l’absent le plus présent du plateau télévisé.
Comme à son habitude, François Hollande s’est vanté d’avoir engagé de nombreuses réformes dont aucune n’a abouti. Celui qui prétend réformer et renforcer le pays n’a entrepris pour l’instant que des travaux non finis, laissant une France en chantier voire en ruine. « Un président de la république travaille pour son successeur ». La phrase est belle, mais peu crédible dans la bouche de celui qui critique ceux qui sont « candidats à tout » et qui dit ne pas savoir s’il va ou s’il veut se représenter.
« Il y a un seul président, beaucoup de candidats ». Même cette phrase est fausse car François Hollande n’a pas été à la hauteur de sa fonction ce soir. Son discours, trop techno et sans âme, n’a pas réenchanté le rêve français qu’il vantait en 2012. Il est incapable de faire le récit de la crise que traverse notre pays et de la manière dont il pourrait en sortir par le haut. Son programme (emplois verts, tablettes numériques, réforme du service civique) est digne d’un président de conseil général et non d’un président de la république, mais peut-être aurait-il dû le rester ? Pipeau pipeau.
J’ai fait la tournée de tous les bistrots…
Il a même parfois plus ressemblé à un conseiller de Pôle Emploi qu’à un chef d’État comme lorsqu’il a feint de prendre note de la situation de cette sexagénaire ou de ce jeune diplômé au chômage. La rencontre avec les français a eu au moins le mérite de révéler les échecs de sa politique. Échec sur la jeunesse, à laquelle il n’a que des emplois aidés à proposer alors qu’il en avait fait sa priorité en 2012 et qu’elle fuit à l’étranger telle l’exode des protestants après la révocation de l’Édit de Nantes.
Les journalistes n’ont pas été tendres avec lui. Thierry Demaizières l’a interrogé sur sa part intime et « son attitude pudique dans un quinquennat si impudique ». Gilles Boulleau l’a enjoint d’assumer « ses chômeurs ». Yves Calvi l’a interpellé d’un « on se demande parfois si vous comprenez votre politique ». Les français n’ont pas été en reste. L’entrepreneuse d’Armentières l’a rudoyé : « la maison brûle […] ce n’est pas comme ça qu’on va résoudre le problème du chômage ». Ce format d’émission était un risque mais il l’a assumé. Et il n’est pas tombé dans le panneau de la pensée unique médiatique d’une annonce sur la proportionnelle, qui aurait été malvenue.
L’émission marque pourtant un pas de plus dans le déclassement et la trivialisation de la fonction présidentielle. Jadis le Général de Gaulle rechignait à se mettre en pyjama devant les français, or il ne reste même plus le pyjama à François Hollande tant il a été mis à poil sous prétexte de se mettre à nu. Mauvais client au jeu du portrait personnel, réticent à fendre l’armure, obligé de se justifier sur sa cravate, il est apparu humain, trop humain. Ni excessif ni exceptionnel, mais l’inverse d’un François Mitterrand qui réussissait à la fois à être plus chébran et plus solennel.
On retiendra quelques enseignements politiques de la soirée. Déjà qu’il n’y aura plus d’impôts supplémentaires, ni nouvelle taxe ni hausse de taux, d’ici la fin du mandat. Affaire à suivre. Puis que la gauche bête et naïve a fait son apostasie du socialisme, le président voyant enfin que « ce sont les entreprises qui créent les richesses et les emplois ». Cela va mieux en le disant. Puis que la montée du FN - qui lui fait penser aux années 1930 (joli point Godwin) - est due au fait que les français doutent d’eux-mêmes et pas de leur président et que sortir de l’euro revient à sortir de l’histoire. Et cette phrase mythique : « j’ai fait la tournée de tous les bistrots ». Et les bars à putes ?