« Les hommes mettent dans leur voiture autant d’amour-propre que d’essence »
Pierre DANINOS (1913-2005) – Ecrivain français et avec une belle caisse
C’est une histoire drôle qui a été racontée jusqu’à satiété, mais cela vaut quand même le coup de la rappeler tant elle est bien bonne. « Au paradis les cuisiniers sont français, les policiers sont anglais et les garagistes sont allemands. Et en enfer les cuisiniers sont anglais, les policiers sont allemands et les garagistes sont français ». La crise continue pour l’industrie automobile. Déjà moins prisées en raison de leur moindre qualité allemande, les voitures françaises ont subi plus que les autres la perte de pouvoir d’achat des ménages et la chute des exportations dans les pays neufs. Même l’Inde produit des Tata bon marché et qui ramènent la Fuego au rang de Trabant.
La prime à la casse n’a fait que retarder lâchement le problème au lieu de le traiter à la base. PSA ferme des usines alors que Sébastien Loeb fait briller sa Citroën sur tous les rallyes du monde. Depuis la fusion de 1976, le groupe n’a jamais réussi à se créer des débouchés et à préempter des marchés. Renault n’est pas bien mieux alors qu’elle motorise toutes les écuries de Formule 1 qui gagnent. Depuis la collaboration en 1944, la marque n’a jamais restauré son image et sa progression est freinée malgré la compétence indubitable de Carlos Ghosn.
Les usines délocalisent à cause du coût du travail en France, un coup pour les marges des grands groupes. Les ouvriers de Ford manifestent au salon mondial de l’automobile mais la misère n’a pas sa place dans les grands barnums. Cette recrudescence marque un recul certain de la civilisation de l’auto. Les quatre roues de la fortune sont en perte de vitesse et roulent au ralenti. Jadis objet de convoitise qui marquait le statut social de son propriétaire, la bagnole est devenue tout à la fois un bien de première nécessité et un bien secondaire et un bien courant et un bien de luxe. Un gros investissement et une dépense inutile, tant il devient stigmatisant de posséder une grosse cylindrée inemployée et inoccupée buvant des litrons aux 1000 bornes.
L’évolution des publicités est troublante. Dans les années 1990, on ne vendait pas une voiture sans sa superbe créature féminine pour faire monter le taux de testostérone des mâles. Dans les années 2000, on n’évoquait pas une voiture sans parler de fiabilité et de performance ou de design et de finition. Dans les années 2010, on ne vendra plus une voiture mais on n’en parlera pour ses performances écologiques et économiques. Elle devra préserver la nature et ne pas coûter un rond à son bienheureux conducteur. Le beurre, l’argent du beurre et la crémière.
D’où l’éclair passager de la voiture électrique. A deux euros le plein, plus besoin de réclamer la baisse du prix de l’essence de six centimes. Quand l’EPR pourra les alimenter avec le nucléaire que les socialistes vont démanteler, le contact et le courant passeront. Ça roulera de nouveau pour les constructeurs. Or le gouvernement qui encourage la mode par des avantages fiscaux et des exonérations de taxes aux péages sait impertinemment que la voiture électrique n’a pas d’autonomie. Il faut donc pousser davantage la recherche pour ne pas rester en rade.
Les incitations à l’adopter sont d’ailleurs un monument de complexité et une usine à gaz claire comme du jus-de-boudin tant ses thuriféraires les expliquent mal. Ils parlent les yeux écarquillés pour faire croire aux gogos que la voiture électrique sauvera leurs fins de mois. Or cette inspiration hasardeuse coûtera bien plus cher à cause du coût de fabrication et du manque d’économies d’échelle. Hors taxes. Elle ne plaira qu’au bobo parisien, le même qui s’était déjà précipité sur le fumeux Vélib. C’est Peanuts. Il n’y a donc pas de la lumière à tous les étages.
A l’heure du développement durable et alors qu’on considère la voiture comme un bien de consommation durable, les industriels voudraient bien que les gens en achètent tous les trois ans comme un bien de consommation courante qui deviendrait vite obsolète une fois passé sa très courte durée de garantie. En-deçà, ce serait mauvais pour l’image de marque et la qualité du produit. Au-delà, ce serait catastrophique pour le compte de bilan et la quantité des ventes. De là à croire au sabotage, il n’y a qu’un pas qu’on se gardera bien de franchir.
C’est à pied ou à pattes que les vélocipédistes conseillent aux camionneurs de se mettre. Comme l’auto est crevée, la marche est devenue une panacée pour ceux qui n’ont que leur kilomètre à parcourir par jour. Loin d’être une nouvelle étape de l’histoire des transports, les modes de déplacement doux ne sont qu’une halte et les marcheurs du dimanche trainent déjà des pieds. On n’arrête pas le progrès mais on sait déjà que les réseaux de transport en commun en ville et de covoiturage en campagne ont manqué le virage. Marche ou crève, ce n’est pas la solution. La voiture doit rester un droit de l’homme inaliénable, et seule l’innovation permettra de l’obtenir à un prix et à une qualité correctes.